La COP16 sur la biodiversité a déjà réussi à mettre la crise de la nature sur “un pied d’égalité” avec la crise climatique, s’est félicitée sa présidente lundi dans un entretien à l’AFP, appelant les pays riches à augmenter leur aide financière au reste du monde. “Nous avons déjà atteint un premier objectif, qui était de rehausser le profil politique de la COP sur la biodiversité […] pour la mettre sur un pied d’égalité avec la question du climat”, a déclaré Susana Muhamad, présidente colombienne de la COP16 biodiversité, la plus grande jamais organisée avec une affluence de 23.000 personnes.
Plus grande CIO biodiversité jamais organisée
Cette 16e conférence des Nations unies sur la biodiversité se tient un an avant la COP30 sur le climat qui aura encore lieu en Amérique latine, au Brésil, pays voisin très influent dans les négociations à Cali. Les COP sur la biodiversité sont longtemps restées dans l’ombre des conférences sur le climat, malgré les appels répétés des scientifiques et de la société civile à mener de front la lutte contre ces deux crises qui menacent la planète et la prospérité de l’humanité. Mais l’accord de Kunming-Montréal, qui a fixé à la COP15 une feuille de route mondiale pour stopper la destruction de la nature d’ici 2030, a commencé à changer la donne. Un des textes en cours de négociations à Cali vise à connecter les travaux des différentes COP, en évitant notamment que la lutte contre le réchauffement climatique se fasse au détriment de la faune et la flore.
Les travaux de la COP16, chargée de stimuler la mise en œuvre timide des objectifs 2030 par une série de décisions d’ici le 1er novembre, achoppent toutefois sur le bras de fer financier récurrent entre Nord et Sud. Les pays en développement demandent la création d’un nouveau fonds autonome pour recevoir l’aide due par les pays riches pour la biodiversité. Ils sont insatisfaits du mécanisme financier créé à la COP15, jugé difficile d’accès et trop influencé dans sa gouvernance par les pays riches. Ce “fonds-cadre mondial pour la biodiversité”, une sous-branche du Fonds mondial pour l’environnement (FEM), est certes une solution “temporaire”, mais il a le mérite d’être “opérationnel”, a déclaré Susana Muhamad, chargée de débloquer les négociations d’ici le 1er novembre. A la COP15, “nous n’avons pas seulement décidé de créer ce fonds, nous l’avons créé : il est opérationnel, il distribue des ressources”, a-t-elle souligné. Mais “il nécessite plus de fonds” et “nous avons toujours dit que c’était une solution temporaire”, a ajouté la ministre de l’Environnement de Colombie, plaidant pour la réforme du FEM et du système financier mondial.
Ambiance tropicale
Pour dégripper les négociations, “il serait utile que les pays développés multiplient les messages indiquant qu’ils atteindront l’objectif de financement du développement”. Le fonds-cadre n’a pour l’heure reçu qu’environ 250 millions de dollars.
Et les milliers de participants à la COP16, qui transpirent entre deux salles de négociations dans l’ambiance tropicale du centre de conférence, discutent des rumeurs sur les annonces de dons espérées des pays riches. A la COP15, les pays développés se sont engagés à fournir 20 milliards de dollars par an pour la biodiversité d’ici 2025, et 30 milliards d’ici 2030. En 2022, ils avaient atteint 15,4 milliards, selon l’OCDE. Même si l’essentiel de l’aide des pays riches ne passe donc pas par ce jeune fonds, il revêt une importance symbolique cruciale pour les pays en développement.
La présidente de la COP16 a appelé les pays à surmonter les “tensions” et à ne pas “manquer l’occasion” de conclure des accords pour sauvegarder la nature avant qu’il ne soit trop tard. “Tous les ingrédients de la soupe sont là et nous pouvons prendre deux décisions : lancer la cuisson ou se dire qu’il faut encore plus d’ingrédients”, a déclaré Susana Muhamad, rencontrée dans une salle où elle mène les consultations bilatérales avec les pays. Mardi, 115 ministres et six chefs d’État se joindront à la conférence. Ils seront chargés de trancher les différends entre les pays sur la mise en œuvre des objectifs 2030, ainsi que sur l’aide financière, la reconnaissance des peuples autochtones ou encore le partage des bénéfices des entreprises grâce à l’exploitation des richesses de la biodiversité des pays en développement.
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