Pendant des années, ces acteurs du secteur privé ont opéré dans l’ombre, sans aucune obligation de rendre public leurs revenus et profits. Cependant, avec les nouvelles normes comptables de bonne gouvernance et l’ouverture de leur actionnariat au public, ils sont désormais contraints de publier régulièrement leurs bilans financiers.
Mais ne nous voilons pas la face car c’est un fait que malgré tout l’arsenal légal en vigueur, ils arrivent toujours à contourner la loi afin de ne pas tout dévoiler et nous savons que des caisses noires existent toujours ainsi que des transferts vers les paradis fiscaux.
Ce qu’ils souhaitent bien nous révéler, c’est que les dirigeants du secteur privé, descendants des barons sucriers et membres de l’oligarchie, peinent à dissimuler leur embarras. En parallèle, ils affichent des chiffres d’affaires, des profits et une croissance insolente, tout en clamant que l’avenir est sombre, que l’économie va mal, et qu’il sera difficile d’augmenter les salaires, d’appliquer le salaire minimum ou d’ajuster les rémunérations.
Ces chiffres d’affaires démentiels
Cette semaine, la plus grande hypocrisie a été illustrée par le groupe IBL, le plus grand conglomérat du pays, qui a annoncé, pour la première fois, un chiffre d’affaires dépassant les Rs 100 milliards, atteignant Rs 102 milliards pour l’année financière se terminant le 30 juin 2024.
Dirigé par Arnaud Lagesse, membre d’une des familles les plus influentes de Maurice, qui contrôle plus d’un tiers du territoire national, ce groupe a doublé ses revenus pour l’exercice financier clos le 30 juin 2024. Alors qu’ils s’élevaient à Rs 52,1 milliards l’année précédente.
Cette performance, selon Arnaud Lagesse, a été boostée par la consolidation des filiales du groupe nouvellement acquises en Afrique de l’Est et à la Réunion. La contribution de celles-ci s’élève à plus de 40 % du chiffre d’affaires global.
Les activités existantes ont également connu une croissance à deux chiffres. Les bénéfices d’exploitation enregistrés sont de Rs 5,4 milliards, ce qui représente une progression de 27 % par rapport à l’année précédente. Le bénéfice après impôt (PAT) du groupe s’élève à Rs 5,9 milliards.
Lors de l’Analyst Meeting du groupe du 30 septembre à IBL House, au Caudan, Cédrik Le Juge de Segrais, Group Chief Financial Officer d’IBL, a indiqué que suivant le déploiement de la stratégie IBL Beyond Borders, l’accent sera désormais mis sur la consolidation des progrès réalisés dans le sillage des acquisitions en Afrique de l’Est et à la Réunion. «Nous allons renforcer notre leadership au sein des grands acteurs économiques de la région. Nous capitaliserons sur nos expertises métier dans nos pays d’implémentation pour générer plus de 60 % de nos revenus à l’international d’ici 2030, tout en continuant à contribuer de façon forte et pérenne à l’économie mauricienne», a-t-il souligné.
Des fausses craintes
Toutefois là où le bât blesse c’est que lors de la même réunion, Arnaud Lagesse, Chief Executive Officer d’IBL, qui emploie quelque 20 000 personnes à Maurice, réparties dans quelque 300 compagnies, dit partager les craintes exprimées par Anil Currimjee, président de Business Mauritius, eu égard aux conséquences économiques à divers niveaux, des hausses salariales annoncées depuis janvier.
«Nous avons un peu de craintes sur un réveil difficile en 2025»,a affirmé
Arnaud Lagesse.
Mais de quelles craintes s’agit-il lorsque son groupe a doublé ses revenus en seulement un an ? Fait-il preuve d’hypocrisie et de mauvaise foi alors qu’il affiche de tels résultats trois ans après la réouverture des frontières suite à la pandémie de Covid-19 ?
Le patronat semble toujours trouver une excuse pour justifier la stagnation des salaires et la non-reconnaissance de la valeur des travailleurs. Ils semblent penser qu’il vaudrait mieux revenir à un système d’esclavage ou à celui de l’engagisme, préférant donner des miettes plutôt que de reconnaître l’importance de leur contribution.
En revanche, dès qu’il s’agit d’obtenir des aides financières, des facilités, des exemptions ou des terres de l’État pour accroître leur fortune, ces mêmes acteurs n’hésitent pas à ignorer les difficultés économiques du pays et réclament davantage.
Arnaud Lagesse a également précisé que les ajustements salariaux – tels que l’augmentation du salaire minimum et des ajustements relatifs – pourraient coûter Rs 1 milliard au groupe pour l’année financière 2024/25, soit une hausse de Rs 800 millions par rapport à l’année précédente. En effet, 15 000 employés d’IBL seront concernés par ces ajustements. Mais que représentent Rs 800 millions face à des revenus dépassant les Rs 100 milliards ?
Est-il juste, Monsieur Lagesse, de geler les salaires et de ne pas redistribuer la richesse produite par les travailleurs ? Chaque fois que les employés sont en droit de recevoir un ajustement salarial, les mêmes discours de crainte et de résistance émanent du patronat. Il est connu que lors des négociations tripartites, les employeurs adoptent une position rigide et usent de chantage pour éviter de payer des augmentations.
Les travailleurs de Maurice doivent ici saluer le courage de Pravind Jugnauth et de son gouvernement qui pour la première fois a eu le courage d’envoyer paitre le patronat que ce soit sur le salaire minimum et la relativité salariale pour imposer ses idées et son programme sans passer par des négociations tripartites.
Si par malheur Pravind Jugnauth état un capon et à la solde du secteur privé comme le sont Navin Ramgoolam et Paul Bérenger et avait choisi de passer par est négociations, les travailleurs de ce pays n’auraient rien obtenu.
La décision de Business Mauritius d’avoir recours à une révision judiciaire afin de ne pas appliquer la relativité salariale en dit long sur l’attitude de ses membres. Si le gouvernement avait choisi l’option des négociations tripartites Business Mauritius aurait bloqué le processus dès le départ pour simplement mettre des bâtons dans les roues et ne pas payer.
Alteo, Medine, CIEL, Anahita etc
Aujourd’hui, la transparence apportée par les bilans financiers montre que la santé de l’économie mauricienne et des entreprises est florissante. Par exemple, le groupe Alteo a enregistré un chiffre d’affaires de Rs 4,5 milliards pour l’année se terminant en juin, soit une hausse de Rs 140 millions par rapport à l’année précédente.
Cette performance résulte principalement d’une meilleure récolte et d’une augmentation des prix du sucre, améliorant les résultats du secteur Agro-Business.
Dans les prochains mois, le groupe se concentrera sur la promotion active de son offre immobilière, notamment à Anahita Beau Champ, qui a obtenu son certificat de Smart City. Les travaux d’infrastructure devraient commencer au deuxième trimestre de l’exercice 2024/25, avec une livraison prévue de la première phase de lots résidentiels dans les 12 mois.
Dans le même ordre d’idées, la compagnie PIM Ltd, spécialisée dans la fabrication de produits plastiques pour les marchés industriels et commerciaux, a réalisé un chiffre d’affaires de Rs 359,4 millions pour l’année financière se terminant le 30 juin, contre Rs 312,2 millions l’année précédente. Le bénéfice net a doublé, atteignant Rs 24,4 millions, comparé à Rs 12,1 millions en 2023.
Le groupe Medine, la mastadonte de l’ouest, réalise pour sa part une excellente performance pour l’année se terminant le 30 juin 2024, marquant une troisième année consécutive de profits record. Le bénéfice net du groupe atteint Rs 1,2 milliard (contre Rs 1,19 milliard au 30 juin 2023), tandis que son chiffre d’affaires franchit pour la première fois la barre de Rs 5,5 milliards, contre Rs 3,3 milliards l’année précédente.
D’ailleurs, les opérations immobilières ont connu une forte croissance en termes de chiffre d’affaires, à Rs 3,8 milliards, soit plus du double que l’année précédente. Cette performance a été stimulée par l’achèvement d’importants travaux de développement (Magenta Parkside, Oceanside et unités résiduelles à Serenis) – et complété par la vente de parcelles.
Le groupe CIEL de la famille Dalais a quant à elle, clôturé l’exercice financier 2024 avec un bénéfice net après impôt de Rs 5 milliards, en hausse de 17 % par rapport à l’année précédente. Ce résultat confirme la solidité de sa stratégie de diversification et d’innovation, ainsi que sa performance opérationnelle à l’international.
Alors, si tout le monde semble satisfait au sein des conseils d’administration et des actionnaires, pourquoi mentir aux travailleurs et leur faire croire que la situation est difficile.
Heureusement, nous avons des leaders comme Pravind Kumar Jugnauth, qui n’hésitent pas à tenir tête aux barons sucriers et placent le bien-être de la population, l’amélioration de la qualité de vie des citoyens, le partage équitable des richesses nationales et la justice sociale, au cœur de leur action politique.
Ezio Hadriel
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