Au Bangladesh, il est connu de tous. Muhammad Yunus a acquis sa popularité en faisant de la lutte contre la pauvreté son cheval de bataille. Son arme : le micro-crédit. Grâce à sa Grameen Bank, fondée en 1983, des millions de Bangladais ont pu bénéficier de petits prêts pour relancer leurs activités artisanales, secteur important de l’économie du pays.
Récompensé d’un Nobel de la paix en 2006 pour son initiative, pionnière en la matière, Muhammad Yunus n’appartient à aucune formation politique et devient une personnalité alternative, au-dessus des partis. Son nom est scandé par les étudiants qui se soulèvent contre le gouvernement de Sheikh Hasina début juillet. Ils le veulent à la tête d’un gouvernement intérimaire. L’idée est reprise par le président du Bangladesh avant d’être acceptée par l’armée, deux jours après la démission de l’ex-Première ministre, le 5 août.
Lutte contre la pauvreté
C’est dans une famille aisée de Chittagong, deuxième ville du pays, que Muhammad Yunus a grandi. Né en 1940 d’un père orfèvre, il racontera que son action envers les plus démunis vient de la grande charité de sa mère. Après des études d’économie aux États-Unis, il revient au pays en 1971, en pleine guerre de libération contre le Pakistan. Le Bangladesh acquiert son indépendance la même année.
C’est dans ce contexte que Muhammad Yunus prend la tête du département d’économie de l’Université de Chittagong. Ses travaux de recherche se concentrent alors sur la pauvreté, accentuée par la grande famine qui touche le pays en 1974. Un épisode qui fait 25 000 morts, selon les autorités de l’époque, alors que les historiens avancent plutôt le nombre d’1,5 million de morts.
Ciblé par l’ancien régime
De plus en plus populaire, le « banquier des pauvres » s’attire les foudres de l’ex-Première ministre Sheikh Hasina. Elle l’accuse de vouloir « sucer le sang des pauvres » avec les taux d’intérêt de sa banque. Muhammad Yunus est alors visé par une centaine de poursuites judiciaires, dont une seule débouche sur une condamnation. En janvier, il est condamné à six mois de prison pour avoir enfreint le droit du travail, mais est libéré sous caution en attendant son jugement en appel. Une affaire motivée par des raisons politiques, selon l’ONG Amnesty International. Il est acquitté le 7 août, juste après sa nomination à la tête du gouvernement intérimaire.
Quelques heures avant d’embarquer le même jour dans un avion à Paris en direction du Bangladesh, l’économiste de 84 ans lance un appel à ses compatriotes : « Soyez calmes et prêts à reconstruire le pays. Si nous empruntons la voie de la violence, tout sera détruit. » Il doit prendre ses fonctions dès son arrivée, prévue le 8 août. Surtout, il doit organiser des « élections libres » d’ici trois mois, promet-il. Une exigence du mouvement protestataire étudiant.
Secoué depuis début juillet par des manifestations meurtrières – au moins 432 morts –, contre le nouveau système de quotas dans la fonction publique, le Bangladesh connaît un regain d’espoir. Après la fuite de l’ex-Première ministre Sheikh Hasina et la dissolution du Parlement, le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus est en chemin pour son pays afin de prendre la tête d’un gouvernement intérimaire.
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