La déposition de Bernard Maigrot après le meurtre, lue en Cour
L’admissibilité d’un test effectué en 2011 contestée par la défense.
L’audition des témoins de l’accusation dans le procès aux Assises contre Bernard Maigrot pour le meurtre de Vanessa Lagesse s’est poursuivie cette semaine devant le juge Aujayeb. Plusieurs éléments ont été présentés au président de la cour ainsi qu’aux jurés dans cette affaire.
Trois empreintes de pas différentes relevées chez la victime
Le lundi 3 juin, le sergent Keseven Vengatasamy de la police scientifique et le Chief Investigator (CI) Poonoosamy Moonesawmy ont été appelés à la barre. Ils étaient chargés de collecter des empreintes et des échantillons pour les soumettre au Forensic Science Laboratory pour expertise. Des échantillons ont également été envoyés pour des examens approfondis dans des laboratoires à Huntington en Angleterre et à Bordeaux.
Les deux témoins ont décrit l’état de la maison de Vanessa Lagesse à leur arrivée. Ils sont entrés par la cuisine à l’arrière de la maison et ont découvert une traînée de sang menant d’une chambre à coucher secondaire à la salle à manger, puis jusqu’à la salle de bains. Des vêtements étaient dispersés sur le sol de la chambre à coucher où une mare de sang était visible. En revanche, la chambre principale était en ordre.
Le sergent Vengatasamy a identifié trois empreintes distinctes parmi quatre photos d’empreintes de pas. Il a confirmé la présence d’empreintes de mains sur la porte de la chambre à coucher secondaire et dans la salle de bains. Des échantillons de sang ont été prélevés dans les chambres et la baignoire où le corps de Vanessa Lagesse a été découvert.
Le CI Moonesawmy a décrit la position du corps de Vanessa Lagesse dans la baignoire, sa tête reposant au fond sans eau et un vêtement enroulé autour de son corps. La police a effectué un examen des empreintes de pas chez les Maigrot et n’a rien trouvé de sécurisé. De plus, le Senior Inspector Bhageloo a affirmé avoir présenté 80 pièces à conviction lors de l’enquête préliminaire, dont seulement deux ont été présentées aux Assises ce lundi.
L’ex-SP Monvoisin : « Le vol comme mobile a été écarté»
Le témoignage de l’ex-surintendant de police Daniel Monvoisin, l’un des enquêteurs sur la mort de Vanessa Lagesse, a eu lieu le mardi 4 juin. Il a expliqué s’être rendu sur les lieux et au domicile de Bernard Maigrot avec d’autres policiers, où ils ont rencontré l’Autrichienne Elizabeth Henesch, la dernière personne à avoir vu Vanessa Lagesse. Cette dernière avait dîné chez elle le 9 mars 2001.
Elizabeth Henesch, amie de Vanessa Lagesse et en couple avec un Mauricien, travaillait également pour une des compagnies de Bernard Maigrot. Son compagnon et elle, avaient été interrogés dans le cadre de cette affaire, sans que rien de ‘‘suspect’’ ne ressorte de leurs déclarations. Il a fait état que du 11 mars au 24 mars 2001, plusieurs personnes avaient été interrogées et les policiers avaient travaillé sur plusieurs pistes.
« There was no evidence but we were given certain information which led us to believe that Bernard Maigrot may be connected with the case », a déclaré l’ex-surintendant Monvoisin. Il a ajouté que le vol comme mobile avait été écarté, car aucun signe d’effraction ni de vol n’était présent dans la maison de la victime. De plus, « nothing was reported stolen », a déclaré le témoin.
La déposition de Bernard Maigrot après le meurtre
La déposition de Bernard Maigrot enregistrée le 24 mars 2001 à la MCIT a également été lue en cour d’assises ce mardi. L’ancien policier Daniel Monvoisin a expliqué qu’une série de 48 questions ont été adressées au prévenu ce jour-là. Dans sa déposition, l’homme d’affaires avait expliqué que huit ans avant la mort de Vanessa Lagesse, soit en 1993, ils avaient eu une relation amoureuse qui a duré plusieurs mois. Il avait quitté le domicile conjugal pour louer une maison à Trou-aux-Biches pendant un mois où la jeune femme venait le rencontrer. Par la suite, il avait décidé de mettre un terme à cette relation, avant de retourner vivre avec son épouse et ses deux enfants. Une décision que la défunte avait respectée et acceptée.
Bernard Maigrot affirme que même s’ils sont restés en contact et se voyaient de temps en temps, car ils avaient toujours des sentiments l’un pour l’autre. Il soutient avoir vu la victime pour la dernière fois le 6 mars 2001 chez elle à la suite de son invitation à dîner. Ce jour-là, ils avaient également eu des rapports sexuels avant de prendre leur repas. Il a déclaré aux enquêteurs que Vanessa Lagesse ne lui avait jamais parlé de sa situation financière, cependant, il savait que c’était sa sœur, Anne Rogers, qui gérait les actifs.
Bernard Maigrot a indiqué à la police qu’il ne savait pas si la défunte avait un amoureux ou un quelconque ennemi. Toutefois, elle lui avait raconté que cinq mois avant sa mort, « elle avait surpris un ‘construction worker’ dans sa cour, mais elle l’avait repoussé ».
Son emploi du temps
Bernard Maigrot est également revenu sur son emploi du temps dans la nuit du 9 mars 2001. Il a mentionné être allé dîner avec sa famille à un restaurant à Grand-Baie. Ils ont ensuite pris la direction de Cap-Malheureux pour rendre visite à un ami, avant de rentrer chez eux vers une heure du matin. Il a dit aux enquêteurs qu’il avait appelé Vanessa Lagesse le 9 mars 2001 vers 20 heures. Elle semblait pressée car elle recevait Elizabeth Henesch à dîner et lui avait demandé de la rappeler le lendemain. Le 10 mars 2001, il a essayé de l’appeler à plusieurs reprises, en vain.
La défense conteste l’admissibilité d’un test effectué en 2011
L’audition des témoins s’est poursuivie ce mercredi 5 juin 2024, avec l’audition de Vidhu Madhub-Dassyne, la directrice du Forensic Science Laboratory (FSL). Appelée à la barre des témoins, elle a expliqué qu’elle était le Case Officer du FSL concernant cette affaire en 2001. Elle a expliqué qu’en octobre 2010, elle avait transporté pas moins de 29 pièces à conviction (Exhibits) en France pour être remises à un laboratoire bordelais. Me Darshana Gayan, la représentante du Directeur des Poursuites Publiques (DPP), a voulu la questionner sur un test effectué par le FSL en 2011. Ce test portait sur l’examen des cellules humaines qui subsistaient sur un drap après lavage.
Me Gavin Glover, Senior Counsel, l’avocat de Bernard Maigrot, a objecté, affirmant que la défense n’avait jamais été informée de ce test ni de ses conclusions. Le juge Aujayeb a alors ordonné que cette objection soit soulevée par la procédure connue comme Voir Dire demain. L’avocat de la défense devra donc formellement présenter une motion déclarant que la défense n’avait jamais été informée de ce test.
Gavin Glover : « nous sommes laissés dans le flou total »
Ce jeudi a eu lieu les débats sur cette partie du témoignage en cour de la directrice du FSL. Me Gavin Glover, Senior Counsel, a argué que la preuve entourant cette expérience est irrecevable en cour en raison du défaut de divulgation préalable. Pour lui, la divulgation est une nécessité constitutionnelle et les détails de cette expérience faite par le FSL à Maurice auraient dû être communiqués par la poursuite avant le procès. Cependant, le dossier de la poursuite ne mentionne pas cette ‘expérience’. Cela constituerait une violation des droits de Bernard Maigrot et de sa capacité à préparer sa défense.
Il a ensuite dressé une chronologie des événements, expliquant comment la directrice du FSL avait documenté toutes les autres étapes de son travail sur les preuves récoltées sur le lieu du crime, y compris ses voyages en France pour des analyses approfondies. Pourtant, rien n’est documenté concernant l’expérience de 2011.
En revenant sur le dossier à charge où les détails de cette expérience manquent, Me Glover a également évoqué la “chain of custody” : « Puisque vous avez une traçabilité, si quelque chose avait été fait en relation avec les pièces à conviction, cela aurait dû figurer dans le dossier à charge. Or, nous sommes laissés dans le flou total », a déploré l’avocat. L’affaire reprendra ce lundi 10 juin.
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