Dépouillement le jour du scrutin : Un pari risqué… Pourquoi cet empressement ?

by | May 22, 2024 | Actualités, Politique

Le bureau du Commissaire électoral, Irfan Rahman, a entamé des discussions cette semaine avec les partis politiques afin de parvenir à un consensus sur le dépouillement des votes le jour même du scrutin, à la fermeture des bureaux de vote. Fort de l’expérience acquise lors des élections villageoises de 2020 et des élections régionales à Rodrigues l’année dernière, le Commissaire électoral semble favorable à cette option, bien qu’il souligne qu’il faudra mobiliser une grande quantité de logistique et de ressources humaines, tant du côté des autorités en charge de l’organisation des élections que des partis politiques, pour parvenir à un résultat sans contestation possible.

Cependant, Le Xournal Dimans est d’avis qu’il ne faut pas agir dans la précipitation pour mettre en œuvre une telle mesure lors des prochaines élections générales, qui auront lieu dans les prochains mois. Selon notre humble opinion, le système actuel a fait ses preuves en garantissant des résultats clairs et nets, sans exercer de pression sur les autorités ou les partis politiques, mis à part le fait que lors du dernier scrutin, le Parti Travailliste n’a pas accepté sa défaite et que Navin Ramgoolam a ensuite porté l’affaire devant la justice. C’est une réaction typique des mauvais perdants du PTr à chaque défaite.

Il est cependant important de rappeler que tous les recours de l’Opposition ont été examinés minutieusement par la justice mauricienne, de la Cour Suprême au Privy Council, et ont tous été rejetés. Aucune preuve de fraude n’a été avancée par l’Opposition, renforçant ainsi la réputation du l’Electoral Supervisory Commission (ESC).

La machinerie électorale à Maurice est bien rodée, les procédures ont été testées à de nombreuses reprises et se sont révélées efficaces depuis longtemps, même avant notre indépendance. Pourquoi donc prendre le risque de changer radicalement les choses, au risque que les mêmes personnes qui réclamaient ce changement remettent en cause les élections en affirmant que les procédures n’ont pas été suivies correctement ?

Maurice est un pays démocratique et même qu’il est tout à fait justifié de vouloir un changement, une évolution nous ne devons pas nous empresser à vouloir copier ce qui se passe ailleurs que ce soit en Inde, en France ou aux États-Unis sans que nous comprenions bien leur système de procédures.

On se rappelle très bien que lors des dernières élections générales, dans la circonscription no 10 (Montagne-Blanche/Grande-Rivière Sud Est), où Navin Ramgoolam était candidat, il y a eu des contestations et un recomptage des voix qui s’est terminé seulement vers 4h du matin le lendemain, sans satisfaction de toutes les parties concernées, puisque des pétitions électorales ont été déposées par la suite pour contester les résultats. Or, tout le monde sait pertinemment bien que selon les procédures que tant que le dépouillement n’est pas terminé, que les résultats ne sont pas certifiés et authentifiés par les responsables et annoncés par le Returning Officer, personne ne peut rentrer chez lui et s’absenter du centre de dépouillement sauf pour manger un morceau ou se soulager.

Le Commissaire électoral souligne à juste titre que la mise en œuvre d’une telle mesure nécessiterait des ressources humaines et logistiques considérables de la part des autorités et des partis politiques. Peut-on vraiment comparer les élections villageoises et régionales de Rodrigues au scrutin national en termes d’importance et de gestion de la pression ? Avec la fermeture des bureaux de vote à 18 h et ensuite toutes les procédures qui sont enclenchées pour balancer les comptes et sécurisées les bulletins de vote, bien souvent ce n’est que deux à trois heures après que tout prend fin. Donc ce n’est que vers 22 h que débutera le dépouillement avec une nouvelles équipe parce qu’il est impensable que ce soit ceux qui ont travaillé depuis 5 h le matin continuent pour le dépouillement et il faudra s’assurer que le ‘handing over’ se fasse en toute transparence et selon les normes établis pour éviter toute contestation. Est-ce vraiment réalisable ?

Le leader de Linion Moris, Nando Bodha suggère lui que les bulletins devraient demeurer sur place, c’est-à-dire dans les mêmes salles et centres de vote où ont eu lieu le scrutin et le dépouillement lancé à partir de là. Nous le redisons une fois de plus, Maurice est un petit pays où tout le monde se connaît et le vote est une affaire privée et sacrée.

Si on adopte la proposition de Nando Bodha, on court le risque que demain toute l’Ile Maurice sache pour qui vous avez voté sans oublier ce que cela pourrait impliquer en termes de stigmatisation si jamais un gouvernement vindicatif accède au pouvoir. Avec le système actuel où les bulletins de toute la circonscription sont mélangés et ensuite mis en ballot de cent, il n’y a presque aucune chance de violer le caractère secret du vote. Avec l’option de Linion Moris, la pression du dépouillement sera sur le pays tout entier dans tous les coins et recoins alors qu’avec le système actuel, elle se concentre uniquement aux alentours des 21 centres des dépouillements, où l’accès et les mouvements sont plus facilement contrôlables.

À l’étranger il y a le vote électronique et les machines à voter avec des procédures bien établis pour le dépouillement et qui permet aux grandes chaines d’informations de donner des estimations très précises dès la fermeture des bureaux de vote.

Afin de permettre la réalisation d’élections démocratiques, la procédure électorale de chaque pays définit de manière précise les modalités dans lesquelles les votes sont recueillis et comptabilisés, afin de garantir que l’électeur puisse exprimer librement son vote, et que les résultats électoraux soient déterminés de manière sincère, en évitant les divers mécanismes d’une fraude électorale.

Avant de prendre des décisions hâtives et de risquer de compromettre gravement notre démocratie, prenons le temps d’organiser des ‘mock elections’ avec les étudiants d’une circonscription, pour tester le nouveau système que nous voulons adopter, puis prenons une décision en toute sérénité.

Ezio Hadriel

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