Guerre contre le Hamas : Israël face à la menace de la multiplication des fronts

by | Oct 13, 2023 | Monde

Alors qu’Israël a encerclé Gaza avec un dispositif militaire massif, des incidents à ses frontières nord, avec le Liban et la Syrie, se sont multipliés depuis le début de l’offensive du Hamas sur son territoire. De plus, le risque d’un soulèvement en Cisjordanie contre les colonies n’est pas exclu. France 24 a interrogé plusieurs experts sur les capacités de l’armée israélienne à répondre simultanément à des attaques multiples.

Plusieurs échanges de tirs entre l’armée israélienne et le Hezbollah à la frontière avec le Sud-Liban ainsi que des tirs de roquettes en provenance de Syrie vers le plateau du Golan ont eu lieu mardi 10 octobre. Ajouté à l’appel au soulèvement de groupes palestiniens en Cisjordanie et le Hamas qui exhorte ses partisans à “marcher vers la frontière à Jérusalem vendredi 13 octobre”, les affrontements déclenchés par les attaques du Hamas en Israël le 7 octobre semblent ne plus seulement tourner autour de Gaza.

Alors que l’armée israélienne masse ses troupes aux abords de Gaza en vue d’un possible assaut terrestre dans la petite enclave au sud de l’État hébreu, “il y a clairement un risque que Tel-Aviv se retrouve obliger à gérer plusieurs fronts en même temps”, assure Veronika Poniscjakova, spécialiste des questions de sécurité internationale et du conflit israélo-palestinien à l’université de Portsmouth.

La menace du Hezbollah

Au nord, la menace la plus pressante pour Israël se trouve à la frontière avec le Liban, où les attaques du Hezbollah ont gagné en intensité ces derniers jours. Après le tir de plusieurs obus, le mouvement politico-militaire pro-iranien a lancé au moins un missile guidé pour frapper une position de l’armée israélienne à la frontière, et des militants du Jihad Islamique ont tenté de mener une incursion en territoire israélien, a précisé l’Institute for the Study of War, un site américain d’analyse des conflits militaires.

Dans la région du Golan la situation est plus confuse. Il y a bien eu des tirs de roquettes depuis l’autre côté de la frontière avec la Syrie, mais “on ne sait pas à ce stade qui en est l’auteur”, précise Veronika Poniscjakova. Pour cette experte, “le suspect le plus probable reste le Hezbollah qui a une présence avérée en Syrie”. Mais ce n’est pas la seule piste possible. “Ce peut aussi être l’un des multiples petits groupes pro-palestiniens qui opèrent depuis la Syrie comme le Front populaire de libération de la Palestine-Commandement général (FPLP-CG)”, précise Clive Jones, spécialiste d’Israël et du Moyen-Orient à l’université de Durham.

En outre, le site de l’Institute for the Study of War fait état de mouvements de combattants de groupes pro-palestiniens à la frontière entre la Syrie et Israël.

La crainte de l’armée israélienne serait que cette situation explosive au nord dégénère encore davantage au moment où l’armée israélienne se décide à lancer une offensive terrestre sur Gaza. De quoi mettre une pression énorme sur les défenses israéliennes. En effet, “on estime que le Hezbollah, à lui seul, peut mobiliser entre 80 000 et plus de 100 000 roquettes, dont une partie sont des missiles guidés à longue portée”, détaille Clive Jones.

Israël serait-il alors capable de tenir le choc d’une guerre sur plusieurs fronts ? “En théorie, c’est tout à fait possible car l’armée israélienne a été formée dans l’optique d’une attaque venant de plusieurs pays à la fois”, rappelle Sim Tack, un analyste militaire qui a travaillé sur les conflits armés impliquant Israël au Liban et à Gaza, en 2012 et 2014, pour Force Analysis, une société de surveillance des conflits. En 1973, par exemple, l’armée israélienne a réussi à repousser des attaques provenant à la fois d’Égypte et de Syrie lors de la guerre du Kippour.

Mais en pratique, un tel scénario “étirerait les défenses et pourrait très rapidement se révéler très coûteux”, affirme Clive Jones. En effet, pour faire face à une telle guerre, “Israël serait probablement obligé de puiser dans toutes ses réserves ce qui aurait un impact évident sur l’économie si le conflit dure”, ajoute cet expert. Selon lui, c’est pour cela que l’État hébreu fait tout pour mener ses campagnes militaires le plus vite possible.

Un dôme de fer suffisant ?

En fin de compte, “tout dépendra des objectifs à atteindre par l’armée israélienne”, estime Sim Tack. Elle aura moins de mal, si elle peut faire face à la menace au nord uniquement grâce à des frappes aériennes sur les positions du Hezbollah et en interceptant les missiles tirés par la milice chiite et ses alliés. “Mais s’il faut aller détruire physiquement les positions ennemies, ce sera beaucoup plus difficile de gérer à la fois le front sud et celui au nord”, détaille ce spécialiste.

Un autre problème pour Tel-Aviv serait de savoir si ses défenses aériennes – autrement dit principalement son fameux dôme de fer – peuvent suffire face à des roquettes lancées depuis Gaza, la frontière avec le Liban et depuis la Syrie en même temps.

En effet, Israël ne dispose que de 10 batteries de dôme de fer et chacune permet de défendre une zone d’environ 150 km² contre les tirs de roquettes. Impossible, donc, de protéger le pays entier, et “il est possible qu’Israël soit obligé de faire un choix”, souligne Sim Tack.

Surtout, le dôme de fer est un système conçu contre les obus à courte portée, qui sont l’arme principale du Hamas dans la bande de Gaza. Mais le Hezbollah détient un arsenal plus sophistiqué, si une guerre se déclenche sur plusieurs fronts “l’un des premiers objectifs de l’armée israélienne devra être de détruire les lanceurs de missiles à longue portée du mouvement pro-iranien”, assure Clive Jones.

Et c’est sans compter avec des attaques depuis la Cisjordanie. Là encore, le Hamas y est présent, mais “il aura du mal à lancer des opérations militaires d’envergure en raison notamment de luttes de pouvoir avec le Fatah – qui dirige ce territoire”, estime Veronika Poniscjakova.

Mais il y a “toute une série de petits groupes de jeunes militants qui se sont formés ces dernières années, n’ayant d’allégeance ni envers le Fatah, ni envers le Hamas, et qui peuvent poser un sérieux problèmes à Israël”, estime Clive Jones.

Quid de la dissuasion américaine

Ils ne sont pas équipés pour tirer des obus sur Israël ou mener des incursions, mais “s’ils venaient à attaquer les colonies israéliennes, d’autres jeunes pourraient s’y rallier ce qui pourrait se transformer en soulèvement populaire. L’armée israélienne n’a pas besoin en ce moment d’avoir en plus à assurer la sécurité de ces implantations”, résume Clive Jones.

Pour Israël, la principale police d’assurance contre une guerre aux multiples fronts s’appelle Washington. “L’arrivée du porte-avion USS Gerald Ford au large d’Israël doit servir précisément à décourager le Hezbollah et d’autres groupes de frapper l’État hébreu”, affirme Veronika Poniscjakova.

Mais pour que l’effet de dissuasion fonctionne encore faut-il que “Washington soit réellement prêt à frapper les positions du Hezbollah”, souligne cette experte. Autrement dit, est-ce que les États-Unis sont prêts à tirer sur le territoire libanais ou syrien ? Pour la Syrie, tous les experts interrogés par France 24 estiment que c’est une option d’ultime recours car cela risquerait d’être perçu comme une provocation par la Russie, principal allié du régime de Bachar al-Assad. En revanche, “les États-Unis pourraient réagir si le Hezbollah se mettait à frapper des zones densément peuplées en Israël”, estime Clive Jones.

Toute intervention des États-Unis entrainerait une escalade des tensions dans la région. Plusieurs groupes pro-iranien, à l’instar des Houthis au Yémen ou de l’organisation Badr en Irak, ont déjà averti qu’ils seraient prêts à intervenir si Washington s’impliquait dans le conflit. Comment ? “Ils auraient du mal à frapper directement Israël, mais ils peuvent s’en prendre aux intérêts américains dans la région”, conclut Clive Jones.

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