Une équipe policière spéciale mise sur pied pour traquer les suspects
19 personnes déjà arrêtées, parmi deux policiers
Des inculpations en vertu de la ‘Prevention of Terrorism Act’ et même d’entente délictueuse envisagées
Depuis ce dimanche 22 octobre, la force policière ne ménage aucun effort pour arrêter et traduire en justice, le groupuscule de personne, qui a terrorisé et violenté plus d’un millier de personnes. Ces derniers participaient à un concert de solidarité, organisé à la Citadelle, à Port-Louis, la veille. Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, indigné par cet acte qui est décrit par beaucoup comme du terrorisme, a été ferme et intransigeant. Ces fauteurs de trouble doivent être punis, indique-t-il. De son côté, le Commissaire de Police, Anil Kumar Dip, a mis sur pied une équipe spéciale pour mener à bien cette opération. Celle-ci, appelée à travailler 24/7 jusqu’à ce que l’enquête sur cette affaire soit bouclée. Cette équipe est composée d’agents et d’officiers expérimentés, issus des meilleures unités de police, notamment la MCIT, le GIPM, la Flying Squad, la PHQSST parmi tant d’autres. Participation également remarquée du chef de la Special Striking Team, Ashik Jagai, qui supervise les enquêtes aux cotés des surintendants Ghoora, Bahadoor, ainsi que le chef inspecteur Ramsawmy.
A ce mardi 24 octobre, cette équipe spéciale, sous les directives directes du CP, n’avait pas chômé dans leurs missions et avaient déjà procédé à plusieurs arrestations. Au total, 19 personnes ont été appréhendées lors des différentes descentes musclées. Parmi, on retrouve deux policiers qui sont également impliqués. La majorité des suspects ont été traduits devant la cour de Port-Louis où une inculpation provisoire de « damaging property by band et d’unlawful gathering » ont été retenues contre eux. Mais il n’est pas à écarter qu’il y ait aussi des inculpations en vertu de la ‘Prevention of Terrorism Act’ et même d’entente délictueuse. De l’autre côté, les investigations vont bon train afin de mettre la main sur les assaillants qui courent toujours dans la nature. Les enquêteurs ont dressé une liste d’une vingtaine d’autres suspects. « Les arrestations sont imminentes » fait-on comprendre au niveau des Casernes Centrales.
Gran Konser Solider
A la base de cet incident, la soirée de ce samedi 21 octobre, devait être un moment magique et d’intense émotion, dans le but de promouvoir la paix et l’amour. Le concert avait été organisé par le groupe hôtelier Attitude, dans le cadre de ses 15 ans, et La Isla Social Club. Cette festivité musicale avait pour objectif de collecter des fonds pour aider et soutenir des organisations non gouvernementales. Toutes les recettes récoltées allaient être au profit de quatre ONG, notamment Terre de Paix, Vent d’un Rêve, Caritas Grand Gaube et Alphabétisation de Fatima. Des associations engagées sur des causes qui s’alignent à la mission du groupe Attitude.
L’événement a été organisé dans un esprit positif et dans une atmosphère familiale. C’était une célébration à la mauricienne, colorée, joyeuse et inclusive. Plusieurs artistes devaient performer sur scène, à l’instar de The Prophecy, Blakkayo et plusieurs autres. La foule étaient composée d’un public mixte que ce soit en termes d’âge, de sexe et de religion. Les organisateurs avaient prévu, à la fin du concert, de faire tout le public chanter une reprise de One day de Matisyahu (un chanteur de reggae juif américain). La chanson préparée par des jeunes de Tamarin était un chant à 1 000 voix pour faire appel à la paix dans les pays actuellement en guerre. Ce message de paix aurait été repartagé par des milliers de personnes, dans la presse et sur les réseaux sociaux, pour montrer que Maurice soutient les personnes affectées par les conflits.
Intrusion
Le concert devait se terminer en beauté avec cette surprise à 22 heures mais peu après 21 h 30, les fauteurs de troubles ont pris au dépourvu les videurs, les policiers et la foule. A ce moment précis, le groupe Prophecy entamé sa dernière chanson pour laisser la place à cet ultime spectacle qui devait être grandiose. Cependant, une première bande encagoulée, armés de sabres, de gourdins et de matraque a pénétré les lieux de manière brusque. Le public qui s’attendait à la surprise annoncée plus tôt a cru que cela faisait partie du spectacle avant que le leader de la bande ne lance l’appel. « Sorti la alé. Porlwi pou nou. Free Palestine ». En même temps, les autres hommes se sont mis à démolir les stands et à taper sur les murs pour demander à tout le monde de quitter les lieux.
Une vingtaine de personnes les ont rejoints et ont également causé des dégâts aux décors. Certains étaient encagoulés, d’autres avaient juste un foulard sur le nez, d’autres avaient des bandeaux. Certains étaient à visage découvert et d’autres portaient le drapeau palestinien. Des agresseurs ont pris place sur le podium pour saccager des instruments. « Zot pa pe trouve ki pe arive dan le mond. Sorti la ale. Isi Plaine-Verte. Sorti la ale. Deor! Deor! », ont scandé certains des assaillants se disant préoccupés par la situation qui prévaut actuellement en Palestine. Certains ont tenté de dérober le téléphone d’une fille qui avait commencé à filmer la scène. Selon un témoin, des hommes encagoulés, ont envahi la scène en criant des slogans religieux.
Panique et traumatisme
En moins d’une minute, la musique a laissé place à des pleurs et des cris de panique. Sur scène comme dans la foule, tous étaient terrifiés par cette scène surréaliste qu’on ne voie que dans les films ou les reportages étrangers. Rapidement, la seule grande porte de la Citadelle a été envahie. Chacun courait à gauche et à droite pour trouver un chemin de sortie. La tristesse et la peur étaient visibles sur les visages de ceux présents. Les femmes, enfants sur les bras, ont dévalé la colline de la Citadelle pour retrouver leur voiture qui, pour certaines, étaient garées sur l’aire de stationnement du Champ-de-Mars. Plusieurs personnes se faisaient bousculer et menacer par des hommes ayant des sabres. Certains enfants ont été séparés de leur famille en courant vers la sortie et étaient en larmes.
Sur scène, les musiciens se sont rués vers les loges, emportant les instruments de musique à bout de bras et fermant à double tour les portes des loges pour se mettre en sécurité. Les policiers présents en nombre limité et dépassés par cet excès de violence, sont intervenus seulement pour assurer la sécurité du public sans prendre parti contre le groupuscule armé. Malgré le sous-effectif et leur manque d’équipement, ils ont fait de leur mieux pour protéger les plus vulnérables. Ils ont également formé une chaîne humaine pour aider les personnes à sortir.
Par la suite, d’autres policiers sont arrivés et ont demandé au groupe de quitter les lieux. Après l’attaque, les assaillants, qui se sont regroupés, ont quitté La Citadelle à pied sans être inquiétés par la police, qui a surtout préféré assurer la sécurité du public. « Porlwi pou nou », diront ces derniers quittant la Citadelle tout aussi remontés.
Tentative échouée de mettre fin au concert
Une déposition a été faite à 3 h 40, à la station de police de Trou-Fanfaron par l’assistant surintendant Domun. Le policier a expliqué qu’il s’était rendu à la Citadelle avant l’attaque, après avoir reçu des informations selon lesquelles un groupe d’habitants de Plaine-Verte pourrait faire du chahut durant le concert. Ce dernier, étant connu pour semer la terreur, avait été vu, circulant à bord d’une fourgonnette noire, qui se dirigeait vers La Citadelle. Ainsi par mesure de précaution, un groupe de policiers de Metro Nord s’est rendu rapidement sur place, dans le but de mettre fin au concert. Malheureusement, ils se sont vu refuser l’accès de la Citadelle par le service de sécurité privé qui assurait la surveillance.
Selon sa déposition, les policiers auraient insisté avant de finalement pouvoir pénétrer à l’intérieur du site. Ils ont aussitôt demandé à l’organisateur de mettre fin à l’événement. À ce moment précis, l’entrée principale de La Citadelle était ouverte. C’est presque au même moment, que le groupe armé a envahi la scène, tout en criant « Allahu Akbar ». Il a confirmé qu’aucune arrestation n’a été effectuée le soir même, mais qu’il pourrait identifier certains des malfrats qui ne portaient pas de cagoule. D’ajouter que la police n’a pas tardé à intervenir et s’est rapidement déployée sur le terrain.
Arrestation
Après ces scènes de violence, la police s’est activée afin que cette attaque ne reste pas impunie. Deux premières arrestations ont eu lieu dans l’après-midi du dimanche. Ils sont Imteeaz Toorabally, âgé de 38 ans et Train Captain de Metro Express Limited, et Anfaal Khodadin, âgé de 35 ans et originaire de Vallée-Pitot. Ils ont été présentés devant le tribunal de Port-Louis lundi et ont été provisoirement inculpés de « damaging property by band et d’unlawful gathering ». Anfaal Khodadin fait également l’objet d’une accusation provisoire de « bearing offensive weapon ». Au moment de son arrestation, il avait en sa possession une arme tranchante.
Neuf autres présumés fauteurs de troubles ont été appréhendés le lundi 23 octobre 2023. Lors d’une opération conjointe de la Major Crime Investigation Team (MCIT) Sud, la Special Striking Team (SST) et le Groupement d’intervention de la police mauricienne. Ils sont Irfaan Meerun, 27 ans, habitant de Vallée-Pitot, Ajmal Aniff Imrit, 23 ans de Trèfles, Soowan Dorabally, 50 ans de Camp-Levieux, Djibrail et Tawqeer Munsoo, 23 et 21 ans de Camp-Levieux, et deux habitants de Stanley, Muzaffar Raeez Salauroo, 38 ans, et Ramatoolah Hossen, 43 ans. Plus tard, la CID de Port Louis Nord a arrêté Noormohamed Ali Hossenny, 27 ans de Vallée-Pitot et Ali Jameerkhan Batchkan, 38 ans de Terre-Rouge.
Tension devant et à l’intérieur de la cour
Ce lundi 23 octobre, les deux hommes arrêtés la veille sont arrivés à la New Court House, sous forte escorte policière. On comptait des limiers de la Major Crimes Investigation Team (MCIT) et des éléments de la Special Supporting Unit (SSU). Ils n’ont pas emprunté l’entrée principale, mais la porte de derrière pour accéder à la salle d’audience. La raison est que plusieurs personnes s’étaient rassemblées devant le bâtiment pour exprimer leurs colères face à leurs actes de haine et d’intolérance.
À leur comparution devant la magistrate Shavina Jugnauth, le Police Prosecutor, le sergent Thakoor, a soutenu que les deux prévenus ne peuvent quitter le pays et qu’il s’opposait à leur remise en liberté sous caution. Trois points d’objection ont été avancés : le risque d’interférence avec des témoins ; la manipulation des preuves et leur sécurité et celle du public. Une motion pour leur remise en liberté sous caution a été présentée et sera débattue le 27 octobre 2023. Les deux suspects ont été ensuite reconduits en cellule policière.
Le verdict de la magistrate Shavina Jugnauth était très attendu dans une atmosphère marquée de colère, tristesse et désarroi. On pouvait entendre des voix chuchotant «zot mem sa. Get sa enn kou», tandis qu’à l’extérieur, ceux présents faisaient du bruit, poussant la police à fermer les portes. Mohammad Anfaal Khodadin a retenu les services de Me Inas Sambon. Mohammad Imteeaz Tourabaly est lui défendu par Me Arshaad Inder.
Les autres suspects ont comparu mardi sous forte escorte policière avant d’être reconduit en cellule policière.
Hors-texte
Jameer Yeadally interrogé à titre de témoin
Ce mardi, huit nouveaux suspects ont été appréhendés dont deux policiers. Par ailleurs, Jameer Yeadally, conseiller au bureau du Vice-Premier ministre Anwar Husnoo, a été interrogé à titre de témoins. Car ayant eu vent des débordements, il s’était rendu à la Citadelle pour surveiller la situation et informer son ministre. Après avoir recueilli sa version, la police a autorisé Jameer Yeadally à partir.
Par ailleurs, un habitant de Phoenix, dont le nom avait circulé, s’est présenté dimanche à la MCIT Sud, avec son avocat. Toutefois, après vérification, les policiers ont constaté qu’il était dans un centre commercial à Phoenix au moment de l’incident. Les enquêteurs de la Major Crime Investigation Team, dirigés par le surintendant de police Ghoora, ont également dressé une liste d’autres suspects qui seront interpellés prochainement.
Cameras Safe City
C’est grâce aux enregistrements des caméras du réseau Safe City que la plupart des suspects ont été retracés. Beaucoup d’entre eux n’étaient pas masqués ou ont laissés tomber leur masque avant et après l’attaque. Si certains ont, durant leurs interrogatoires respectifs, avoué leur présence sur le lieu des incidents, ils ont toutefois nié avoir saccagé les instruments des artistes. Tous seront confrontés aux images des caméras de vidéosurveillance prouvant leur présence à cet événement musical.
Attaque planifiée
La police est en présence d’informations que cet acte avait été planifié depuis samedi et qu’un habitant des Plaines-Wilhems en serait le principal commanditaire. La police rejette la thèse de pollution sonore car les suspects ne sont pas des habitants des alentours. Une source proche de l’enquête explique que la charge provisoire de « destruction de biens en bande organisée » pourrait évoluer avec l’enquête car il s’agissait d’une action préméditée et qu’ils étaient armés pour intimider les personnes présentes.
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