Dans l’après-midi du vendredi 16 septembre, après le conseil des ministres, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a rencontré les journalistes en urgence, au bâtiment du trésor, à Port-Louis, pour un point de presse. L’initiative était de rendre public le rapport de la Commission d’enquête initiée sur l’ex-présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim, concernant ses activités auprès de Planet Earth Institute, de l’Angolais Alvaro Sobrinho. Le chef du gouvernement, commentant les conclusions du rapport, a fait état d’un « damning report » contre l’ex-présidente. Elle révèle qu’Ameenah Gurib Fakim a agi, en plusieurs occasions et à différents niveaux en flagrante violation de plusieurs clauses à la Constitution.
Pravind Jugnauth a fait ressortir que les conclusions du rapport soutiennent que l’ex-Présidente de la République a utilisé la carte de crédit de Planet Earth Institute pour de nombreuses transactions personnelles et que les raisons avancées par cette dernière ne sont pas plausibles et sont mêmes risibles. D’autre part, le rapport, selon le PM, avance qu’Ameenah Gurib Fakim n’a pas respecté le serment solennel comme Présidente. Cette dernière a utilisé le bureau de la Présidence pour ses intérêts personnels en donnant l’accès VIP à l’homme d’affaires Alvaro Sobrinho, entre autres agissements. « L’ex-présidente a agi illégalement et de façon indigne qui ne fait pas honneur à la présidence » a expliqué le chef du gouvernement.
Pravind Jugnauth a expliqué que la Commission d’enquête sur l’ex-présidente de la République, présidée par l’ancien chef juge, Asraf Caunhye, avec comme accesseur la Senior Puisne Judge, Nirmala Deva et la Juge Puinée Gaitree Jugessur-Manna, a soumis son rapport le 2 septembre 2022. Le chef du gouvernement, a expliqué qu’il a été conclu que l’ex-Présidente a agi en violation de l’article 64 (1) de la Constitution lorsqu’elle a pris sur elle pour instituer une commission d’enquête, sans l’avis du Conseil des ministres et en agissant contre les « conseils des seniors officers de la présidence ». « Elle n’a pas respecté les procédures administratives lorsqu’elle avait institué une telle commission d’enquête », a affirmé le chef du gouvernement en citant le rapport Caunhye.
Pravind Jugnauth affirme que la commission d’enquête a aussi conclu qu’Ameenah Gurib-Fakim a agi en violation de l’article 28 (4) de la Constitution en effectuant des paiements supérieurs à Rs 2 millions à partir d’une carte de crédit mise à sa disposition par l’ONG Planet Earth Institute. De septembre 2016 à mars 2017, Ameenah Gurib-Fakim a fait des dépenses personnelles totalisant Rs 2, 253, 184 à partir d’une carte Platinum que Planet Earth Institute avait mise à sa disposition mais qui n’était pas destinée à un usage personnel. On parle là de « personal gratification ».
La commission a également établi que l’ex-Présidente a agi en violation de l’article 28(1) (b) de la constitution car elle a failli à sa responsabilité de respecter la constitution et le fonctionnement de nos institutions démocratique, en conformité avec le « rule of law ». On lui reproche également d’avoir utilisé le bureau de la Présidence de façon « illégale » et « inconvenante », afin de donner des avantages et « gratification indue » à une tierce partie, notamment quand elle est intervenue pour donner l’accès VIP à Alvaro Sobrinho et son entourage en 62 occasions. Mais également quand elle a assisté Alvaro Sobrinho et ses compagnies dans leurs activités financières et quand elle a levé des fonds pour Planet Earth Institute.
Selon les conclusions de la commission d’enquête, l’ex-présidente de la République a également utilisé le bureau de la Présidence « illégalement », « abusivement » et « incorrectement », en violation des articles 2 et 7 de la « Prevention of corruption Act », en ce qui concerne « public officials using office for gratification ». Ameenah Gurib-Fakim est également allée à l’encontre des articles 2 et 10 de la « Prevention of Corruption Act », concernant le trafic d’influence et de l’article 77 de « criminal code », sur la violation de provisions constitutionnelles.
Recommandations
La commission d’enquête, présidée par l’ancien chef juge Caunhye, a cependant fait une série de recommandations. D’abord, elle laisse le soin aux autorités investies de pouvoirs constitutionnels d’examiner s’il faut initier des procédures légales contre l’ex-Présidente. La commission fait ressortir qu’il revient aux autorités judiciaires de décider si l’immunité présidentielle sous l’article 30 de la Constitution tient dans ce cas. La commission d’enquête recommande aussi une révision de l’article 30 (a) de la Constitution et la mise sur pied d’un mécanisme constitutionnel pour permettre la suspension de l’immunité présidentielle et un recours judiciaire dans les cas où il y a des abus contre la Constitution.
« Il y a aussi des recommandations concernant le pouvoir, la pratique voire les procédures par rapport à un tribunal qui pourrait être mis sur pied, selon les dispositions de l’article 30 (8) de la Constitution pour destituer un (e) président (e) ou vice-président(e) de la République », a déclaré Pravind Jugnauth. La Commission d’enquête recommande dans son rapport qu’un (e) président(e) démissionnaire ou ayant été destitué(e) après avoir commis une offense criminelle à savoir une fraude, la malhonnêteté, la malversation, le délit moral ou d’autres offenses contre l’État ne doit pas percevoir une pension ou être éligible à des allocations. Il ou elle ne doit pas non plus occuper d’autres fonctions au sein de l’État.
Aux dires du chef de gouvernement, la commission a souligné que ses recommandations ont pour but de renforcer l’État de droit, la séparation des pouvoirs et la consolidation des principes démocratiques qui sont ancrés dans notre Constitution. Pravind Jugnauth a d’ailleurs annoncé que le gouvernement a mis sur pied un comité ministériel, sous la présidence de l’Attorney General, pour examiner les recommandations de la commission d’enquête et faire des propositions sur la marche à suivre. En attendant, le rapport a été remis à la police et également à la Commission anticorruption pour entamer des actions appropriées.
Pour rappel, la Commission d’enquête avait été instituée le 17 mai 2018 pour faire la lumière autour des allégations entourant Ameenah Gurib Fakim et certaines décisions prises par elle, notamment la mise sur pied d’une commission d’enquête sans l’aval du conseil des ministres.
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