L’affaire Betamax de nouveau en vedette au Parlement…

by | Jul 8, 2021 | Politique

L’adoption d’un budget supplémentaire de Rs 23,6 milliards avec une dotation de Rs 4.6 milliards pour payer la firme Betamax à la suite du jugement du Privy Council a été l’occasion de raviver la bataille entre l’Opposition et le gouvernement sur ce dossier brûlant qui fera bientôt l’objet d’une commission d’enquête. Soulignons que le budget supplémentaire a été adopté sans amendement mardi.
Pravind Jugnauth : « Nous avions un mandat pour nettoyer les écuries d’Augias que le PTR/PMSD avait laissé en héritage»
• Pourquoi la législation du Public Procurement fut amendée en quatrième vitesse en pleine négociation de ce contrat?
« Comme un gouvernement responsable, nous avons honoré nos engagements en payant à temps les dommages dus à Betamax à la lumière du jugement du Privy Council qui a maintenu la décision arbitrale de Singapour, » a déclaré d’emblée le Premier ministre, Pravind Kumar Jugnauth. Selon lui, les trois points soulevés au Privy Council sont les suivants : (i) Principalement, est-ce que la Cour Suprême avait le droit de réviser la décision arbitrale de Singapour afin de déterminer si le contrat n’était pas en violations avec les législations d’appels d’offres; (ii) Si la Cour Suprême avait le droit d’agir ainsi, est-ce que le contrat d’affrêtement était illégale et (iii) Si la sentence arbitrale était illégale, est-ce que le contrat était en conflit avec le « public policy of Mauritius »?
Le Premier ministre s’est longuement étayé sur les aspects légaux des décisions de la Cour Arbitrale de Singapour, de la Cour Suprême de Maurice et du Privy Council.
Le parquet exprime ses réserves
Comme nous l’avions annoncé la semaine dernière, Pravind Jugnauth a rappelé que le State Law Office n’était pas favorable envers ce mega contrat accordé à Betamax.

Le 28 avril 2009, le parquet fait ressortir que les procédures n’ont pas été suivi. « “The procedures as laid down in the Public Procurement Act have not been followed and the approval of the Central Procurement Board has not been obtained”. Il fallait notamment avoir l’accord du Central Procurement Board étant donné que : « “The STC is a public body and is listed under Part IV of the Schedule to the PP Act. Given the duration of the ‘potential commercial contract’ and the ‘amount of freight’ under consideration, the prescribed sum will be met, hence this contract (which is envisaged) is considered as falling under ‘major contract’. A défaut, il fallait avoir l’approbation de l’ex-Central Tender Board: “Notwithstanding the fact that some of the processes may have been initiated prior to the coming into force of the PP Act (on 17 January 2008). The approval of the Central Tender Board should have been sought”.

Le SLO exprime aussi de sérieuses réserves concernant l’implication de la State Trading Corporation dans le montage de ce projet et son aspect financier. “It is our view that, unless the approval of the Central Procurement Board is obtained, the STC will be precluded from signing this contract”.

Le Parquet met aussi l’accent sur certaines clauses qui lient les pieds et les mains de la State Trading Corporation et ceux du gouvernement. “ Govt is being asked to guarantee certain obligations of the STC, in particular, irrevocable payment guarantees (clause 3.1) ; acquisition of vessel in case of termination of contract by STC or the owner (clause 10.7 et 10.6.1), waiver of immunity (clause 12) despite the other party being a local company”.

Comme les autres clauses qui ne sont pas à l’avantage de la STC, comme souligné par la STC « it is assumed that STC has closely examined the obligations that it may be taking under this agreement, in particular in relation to the financial and technical provisions and that it has carried a commercial evaluation of all risks factors involved… It is assumed that STC is agreeable to being involved in matters relating to construction of the vessel (clauses 5.1, 5.2 et 5.3) ».

Le SLO ajouté que la Clause 4 de ce contrat, laisse comprendre que la STC a respecté tous les règlements légaux et a gagné l’approbation de toutes les autorités concernées avant de signer un tel contrat. Le parquet rappelle une fois de plus qu’il fallait avoir l’aval du Central Procurement Board.

Le SLO est très sévère dans ses observations autour de la Clause 10.6.2 (c) qui, selon ses légistes, « is not in order » puisque Betamax a la possibilité de transférer son bateau à la STC, même si elle serait fautive. C’est pourquoi le parquet demande à la STC de considérer un accord alternatif qui exclut son implication dans l’aspect financier.

Le 6 mai, dans une autre correspondence de la SLO à la STC, elle attire l’attention de l’organisme d’Etat en ces termes : « It is presently assumed that the STC is proposing to enter into the Agreement, as has been qualified by the Legal Adviser of the Promoter as ‘a contract of an exceptional nature in that it involves the acquisition, construction, financing, management and operation of a tanker’ and the STC is not envisaging any other form of agreement”. En clair, la STC ne suit pas les instructions du parquet. Le conseil des ministres est toutefois mis au courant des observations du SLO.

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Des questions qui méritent réponses

Selon le Chef du gouvernement, il faut des éclairages sur les zones d’ombres et les pratiques douteuses entourant l’allocation de ce contrat. Il a ensuite évoqué une liste de questions qui doivent obtenir des réponses par la Commission d’Enquête :
(a) Y a-t-il eu un contrat taillé sur mesure pour un bateau taillé sur mesure?

(b) Est-ce que ce contrat de USD 290 millions sur 15 ans était dans l’intérêt public?

(c) Pourquoi la STC avait été contrainte de payer pour la totalité de la capacité du bateau pour chaque trip même lorsque celui-ci transportait moins en termes de tonnage?

(d) Y a-t-il eu des situations de conflits d’intérêts depuis la genèse du projet jusqu’à son aboutissement?

(e) Quelle a été le rôle de l’ancien Premier ministre et de certains de ses ministres dans ce deal?

(f) Pourquoi est-ce que les Public Procurement Regulations ont été amendées en quatrième vitesse pendant que les discussions sur le deal se poursuivaient entre d’un côté, entre le gouvernement d’alors et la STC et de l’autre, avec Betonix dans un premier temps et Betamax par la suite?

(g) Qui sont ceux qui ont dicté les termes du contrat et qui ont fait pression sur la STC pour accepter certaines clauses jugées contre son intérêt par l’Attorney General’s Office ?

(h) Pour quelle raison le gouvernement d’alors avait donné son aval le 20 novembre 2009 pour la signature du contrat « within the least possible delay » alors que le rapport de BDO avait été soumis au comité ministériel chargé du dossier le 26 novembre 2009 ?

Selon le Chef du Gouvernement, il faut aussi s’interroger sur la chronologie entre l’accord du gouvernement le 20 novembre 2009, le rapport BDO le 26 novembre 2009 et le fameux contrat signé le 27 novembre 2009. Il faudra également que la commission d’enquête vienne faire la lumière sur les circonstances de la résiliation du contrat en 2015 et le position de Roshi Bhadain de même que les avis légaux obtenus à l’époque. « Le gouvernement de 2015 sous le Primeministership de feu Sir Anerood Jugnauth avait un mandat pour nettoyer les écuries d’Augias que le gouvernement Ptr-PMSD avait laissées en héritage. La décision de mettre fin au contrat de la STC avec Betamax avait été prise collectivement en prenant en considération les différents éléments troublants et suspects qui nous avaient été présentés par le ministre de la Bonne Gouvernance d’alors, Monsieur Roshi Bhadain, et aussi sur avis légal. Nous avons été guidés par l’intérêt du pays. Nous assumons pleinement cette décision et nous respectons le verdict du Privy Council. C’est la raison pour laquelle nous avons payé les dommages dus à Betamax.», a-t-il conclu tout en rappelant l’imposition de Rs 3 par litre d’essence pour payer le Hedging Loss de Rs 4.5 milliards de la STC sous l’ancien régime.

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Soodesh Callichurn : «The signature of this contract was nothing short of a conspiracy to defraud the country of billions of rupees over that period of 15 years».
• « The glee with which they were celebrating the outcome of this whole matter as if they have been able to get away with murder».

• « L’intérêt publique?… N’y ont-ils pas pensé en donnant le contrat couler dans du béton X s’il vous plait, à un opérateur privé »

• «In the end, truth will prevail as we may have lost a battle but not the war. »
Lors de son intervention sur le budget supplémentaire 2020/2021, le ministre Soodesh Callichurn qui occupe actuellement le portefeuille du Commerce n’est pas allé de main morte pour critiquer le contrat signé par la State Trading Corporation et la compagnie Betamax en 2009. Selon lui, c’était « most immoral one-sided contract in favour of Betamax ltd» et que “I shall not hesitate to state Mr Speaker, that the signature of this contract was nothing short of a conspiracy to defraud the country of Billions of rupees over that period of 15 years. It was for intent and purposes a well-planned and perfectly executed scheme with the blessing of the then Government.”
Sa prise de position s’explique par son dégoût des interventions des membres de l’Opposition qui ont crié à la vendetta politique autour de l’allocation d’un contrat « coulé dans du béton X à un opérateur privé ». Et d’ajouter : « The glee with which they were celebrating the outcome of this whole matter as if they have been able to get away with murder. ».
Selon lui, la résiliation de ce contrat permettrait au gouvernement d’économiser au moins Rs 5 milliards sur les prochain 15 ans.
Le ministre Callichurn explique que le projet initial en 2006 consistait à ce que la STC finance et achète un tanker qu’elle aurait payé en trois ans et quelques et non offrir un juteux contrat à un particulier pendant 15 ans.
« Quelle était l’intention du gouvernement de l’époque lorsque toutes ces manoeuvres ont eu lieu? Était-ce pour protéger l’intérêt supérieur du pays ou y avait-il d’autres motifs plus sinistres? », s’est-il interrogé. Poursuivant, le ministre a fustigé l’amendement au Public Procurement Act qui a permis d’exclure la STC des exercices d’appels et la signature du contrat en 2009.
C’est pourquoi le professeur Swaley Kasenally, dans une interview accordée à l’Express le 7 juillet 2011, a déclaré que « le contrat entre STC et Betamax pour le transport de produits pétroliers contient des clauses contraires à l’intérêt du pays ». Ce contrat garantissait des revenus de U$D 17.6 millions annuellement a Betamax pour 100 % de la capacité de fret de son navire, que celui-ci ait ou non transporté une pleine charge pendant une période ininterrompue de 15 ans majorée des coûts du carburant, les frais de port et de surestarie, indépendamment de la baisse des prix mondiaux du fret et du nombre moindre de voyages effectués de Mangalore à Maurice.
Il convient également de mentionner que les frais de transport quotidiens à ce moment-là étaient d’environ U$D 16 500 par jour, alors que STC a payé environ 3 fois ce montant, soit U$D 48 000. En outre, ils avaient la garantie d’une augmentation des frais de transport de 1,5% par rapport à la sixième année et de 2% par rapport à la dixième année.
« Dans le même article que j’ai mentionné plus tôt, le professeur Swaley Kasenally a posé une question très importante, à savoir que l’accord entre la STC et Betamax équivalait au financement de la STC pour le pétrolier, qui a coûté 58 millions de dollars en garantissant le paiement annuel de 17,6millions de dollars US de loyer pour le navire, » a-t-il ajouté.
« N’était-il pas dans le meilleur intérêt de la STC d’avoir acheté un navire à USB 58 millions au lieu d’en louer d’un opérateur privé à USD 17.6 millions par an. Il aurait fallu environ trois ans et quelques mois à l’organisme pour financer entièrement l’acquisition d’un navire semblable. Alors, où était l’intérêt du gouvernement à l’époque? Maintenant, ils disent que les contribuables paieront pour le mal fait de ce gouvernement. N’y ont-ils pas pensé en donnant le contract couler dans du beton X s’il vous plait, à un opérateur privé ? », s’est insurgé le ministre Callichurn.
Il s’est également demandé : « Who was the minister of commerce then? Is it not because he was related to the Bhunjun family and in order to avoid any conflict of interest issues, wasn’t there was a ministerial remaniement? »
Le ministre du Commerce a réfuté la thèse de vendetta politique. « Nous avons pris la bonne décision parce que nous n’avons rien à cacher et parce que l’acte répréhensible et l’intention malveillante étaient de la part de ceux qui ont attribué le contrat en novembre 2009 Le gouvernement a décidé de mettre sur pied une commission d’enquête sur la question. En fin de compte, la vérité prévaudra. Nous avons perdu une bataille, mais nous n’avons pas perdu la guerre. »

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Maneesh Gobin : « La vérité éclatera lors de la Commission d’Enquête qui doit se tenir en public »
• Il s’interroge sur le « defeaning silence » de l’ancien ministre Rajesh Jeetah

L’Attorney General s’est dit d’accord avec le député Eshan Juman a l’effet qu’un rapport avait affirmé que si Maurice faisait l’acquisition d’un tanker, elle ferait d’énormes économies. « Toutefois, le fait brutal est que Maurice n’a pas acquis le tanker mais une compagnie privé nommée Betamax Ltée », a-t-il fait ressortir.
Tout en rejoignant son collègue, le ministre Callichurn à l’effet que « c’était un contrat coulé dans du béton. »
Maneesh Gobin a également affirmé que le jugement du Conseil Privé de la Reine a été respecté et que les paiements ont été effectué. Toutefois, le peuple doit savoir les circonstances dans lesquelles ce contrat a été signé et également pourquoi il a été résilié. C’est pourquoi le gouvernement a nommé une commission d’enquête sur toute la question. De plus, il a dénoncé l’argument utilisé par l’Opposition, dès le jour du jugement du Privy Council, à l’effet qu’il n’y a rien d’illégal dans ce contrat signé entre Betamax et la STC. Or selon lui, que ce soit en Cour Suprême ici ou devant les Law Lords a Londres, la légalité reposait sur le fait de savoir si le contrat était signé en violation du Public Procurement Act. C’est juste à ce niveau que le Privy Council a renversé le jugement de la Cour Suprême.
« Durant ce débat, plusieurs questions d’importances capitales ont été soulevés pour permettre à la Commission d’Enquête de démarrer ses travaux. Notamment celle du député Reza Uteem qui s’est demandé si ce contrat était dans l’intérêt public. Laissez la Commission d’Enquête lui répondre. Alors on saura qui sont ceux qui ont agi dans l’intérêt publique : seraient-ceux qui ont signé le contrat en 2009 ou ceux qui l’on résilié en 2015? Il y a eu des conséquences, il y en aurait eu même si nous n’avions pas mis fin à ce contrat. C’était un risque à prendre.» a-t-il affirmé.
Selon Maneesh Gobin, la vérité éclatera lors des travaux de la Commission d’enquête qui doit se tenir en public. Il a fustigé le « defeaning silence » de l’ancien ministre Rajesh Jeetah sur cette affaire. Ce dernier doit être convoqué dans le cadre de cette affaire.

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Kavy Ramano, ministre de l’Environnement : « L’idée d’une commission d’enquête fait peur au Parti travailliste »

Kavy Ramano s’est demandé si le jugement du Privy Council dans cette affaire est une victoire du Parti Travailliste comme le crie ses députés. « Est-ce la Victoire du Parti travailliste? », s’interroge le ministre. Ce dernier a affirmé que l’idée d’une commission d’enquête fait peur au Parti travailliste. Tout en invitant “les membres du Parti travailliste qui n’ont rien à cacher de venir témoigner devant la commission” Par ailleurs, le ministre a annoncé qu’une décharge de déchets sera opérationnelle à La Laura en août prochain. Celles de Poudre-d’Or et de Roche-Bois seront ouvertes vers décembre 2021. De plus, un projet pilote de collecte de déchets verts des ménages et des marchés prendra place à Henrietta, Salazie et la Chaumière, Des centres de compostage seront installés au Gymkhana et au parc national de Bras d’Eau.

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Leela Devi Dookhun Luchoomun : « Ceux qui nous pointent du doigt ne perdent rien pour attendre »
Très en verve, la No 3 du gouvernement n’est pas passé par quatre chemins pour clouer au pilori les détracteurs du gouvernement au sujet de l’affaire Betamax. Elle s’est dit confiante que la vérité émergera sur ce dossier. « Mais ceux de l’autre côté de la chambre se réjouissent et nous pointent du doigt. Ils ne perdent rien pour attendre. Laissons la commission d’enquête faire son travail and we shall separate the wheat from the chaff et la vérité émergera certainement. Je comprends que le Leader de l’opposition soit en faveur de l’instauration d’une commission d’enquête. D’ailleurs, il en avait lui-même fait une demande en ce sens. Let us wait for the findings» a-t-elle affirmé.
Dans un autre registre, la Vice Première ministre a réfuté les arguments du leader de l’Opposition a l’effet que le gouvernement vise à constituer un trésor de guerre en vue des prochaines élections générales. Elle a salué les mesures exceptionnelles et sans précédent pour venir en aide aux plus vulnérables de notre société durant la pandémie du Covid-19. 16 792 employeurs et quelques 278 982 personnes ont bénéficié du Government Wage Assistance Scheme pour un montant de Rs 16 milliards et 260 8860 autres ont touché Rs 6.6 milliards sous le Self Employed Assistance Scheme.
« Il y en a des familles mauriciennes vivant au jour le jour et pendant le confinement sans l’aide apportée par l’état, cela aurait été catastrophiques pour eux. Il fallait à tout prix éviter ce scénario qui aurait pu nous mener vers une explosion sociale, » explique la VPM Dookhun.
Terra Del Fuego

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