Contrats publics taillés sur mesure : Plus jamais ça !…

by | Jun 23, 2021 | Politique, Science et Tech

• L’intégrité des processus d’attribution des contrats publics et la saine concurrence entre les contractants sont souvent contournées
• La corruption est une atteinte aux fondements de la démocratie ; elle contrevient à la primauté du droit et prive les citoyens du droit à l’égalité démocratique.
• C’est aux décideurs de contrats douteux de payer les frais et non un gouvernement ou ses citoyens.

L’affaire Betamax fait couler ces jours-ci beaucoup d’encre. Ce n’est pas le problème de la résiliation du contrat mais plutôt le jour où ce contrat a vu le jour qui doit nous interpeller. Il est impératif que ce genre de contrat ne voit plus jamais le jour. Il est inconcevable qu’en voulant résilier un danger pour le public, on doit payer les conséquences.
Contrat pour X pour Y, avec des élans de générosité de la bourgeoisie de l’Etat. Il faut que les vrais coupables paient. C’est comme un élève turbulent en classe. Au lieu de le reformer, on blâme l’instituteur qui n’a pas cédé à ces caprices. En Europe et au Canada, la classe politique fait face à de fortes critiques sur des affaires ou des contrats publics sont offert dans des conditions louches. Or, là-bas, on s’intéresse moins à la résiliation du contrat mais plus au contrat lui-même et dans les manières corrompus et inacceptable dans lequel il a été signé.
Il est évident que ceux qui entrent dans un contrat commercial doivent être protéger tant que ce n’est pas une affaire tache d’irrégularité et d’illégalité. On ne peut demander des dommages sur base de ce genre de contrat. En matière d’octroi et de gestion des contrats publics, les élus et les employés de l’État sont parmi les premiers interpellés mais rarement sanctionnés.
L’un des moyens d’assurer la dépolitisation du processus d’octroi des contrats publics est de placer la surveillance de ce processus entre les mains d’une instance qui n’est pas dans un rapport de proximité avec le gouvernement. L’intervention possible d’un ministre de l’époque dans ce genre d’affaire confirment que c’est ce rapport de proximité entre les entreprises et le gouvernement qui pose problème Il faut dépolitiser le processus d’octroi de contrat et nous ne sommes pas sûr que Navin Ramgoolam soit en faveur de cela. Il est impératif de revoir l’encadrement de l’octroi et de la gestion des contrats publics , mais aussi, dans une certaine mesure, dans celle d’un autre axe , qui est celui de « placer le financement des partis politiques à l’abri des influences » L’État des sociétés modernes démocratique investit massivement dans l’économie au moyen de mesures de toutes sortes (crédits d’impôts, de taxes, subventions directes et indirectes). Les gouvernements sont élus sur la foi de promesses électorales qui font état de ces engagements. La mise en œuvre de ces mesures assure la réélection des gouvernements. Pour les acteurs privés, l’enjeu est de s’approprier une juste part des retombées de ces décisions politiques à caractère économique.
La prison en France
De François Fillon et son épouse à Jérôme Cahuzac, sans oublier Dominique de Villepin même s’il sera relaxe ensuite, c’est aux décideurs de contrats douteux de payer les frais et non un gouvernement ou ses citoyens.
La corruption dans les contrats publics n’est pas un phénomène récent. Dans l’Antiquité romaine, les contrats publics pour la construction des ouvrages publics, l’approvisionnement des armées et la perception des impôts étaient octroyés à des regroupements d’individus, les publicains. La fraude était chose courante et l’on relate notamment que des publicains rapportaient faussement le naufrage de bateaux transportant les cargaisons pour l’approvisionnement des armées ou faisaient couler de vieux bateaux transportant des cargaisons de biens sans valeur, l’État assumant alors les pertes. Comme aujourd’hui, les contrats publics et politique étaient intimement liés ; la sanction des fraudes et de la corruption était éminemment variable et dépendait du statut social ou de l’influence politique des corrupteurs et des corrompus. Le pouvoir politique était généralement réticent à sévir, car les publicains rendaient des services essentiels pour Rome. Dans un cas, l’omission du Sénat de punir un publicain soupçonné d’avoir frauduleusement inventé le naufrage de cargaisons avait incité les tribuns de la plèbe à imposer une amende aux publicains. Ces derniers avaient riposté en provoquant une émeute.
Maurice devrait s’inspirer du Canada, en particulier du Quebec.
L’histoire du Québec a aussi connu son lot de crimes liés à la corruption. François Bigot, dernier intendant de la Nouvelle-France, fut condamné en 1763 au bannissement perpétuel pour avoir revendu au Roi des fournitures à vil prix pendant l’exercice de sa charge. En 1885, la Commission Routhier a enquêté sur des allégations de conflits d’intérêts lors de la vente par le gouvernement du Québec d’un chemin de fer à l’un des administrateurs publics de l’ouvrage (Commission royale d’enquête, 1887). Depuis la fin du XIXe siècle, plusieurs commissions ont eu pour mandat d’enquêter sur la corruption et la collusion dans la dépense de fonds publics (Lapointe, 2015). La dernière en titre, créée en 2011, avait pour mandat d’« examiner l’existence de stratagèmes » à l’égard de possibles « activités de collusion et de corruption » dans l’octroi et la gestion de contrats publics dans l’industrie de la construction, « incluant des liens possibles avec le financement des partis politiques ». Cette Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction (ou Commission Charbonneau) déposait le 24 novembre 2015 un rapport contenant 60 recommandations. Si le mandat de la Commission portait uniquement sur les contrats publics dans l’industrie de la construction, les recommandations qu’elle a formulé concernent l’octroi et la gestion de tous les contrats publics.
Depuis 2002, l’attribution des contrats publics a été encadrée par un règlement du gouvernement, puis, en 2006, par la Loi sur les contrats des organismes publics (LCOP). Cette loi prévoit que les contrats des organismes publics peuvent être octroyés de gré à gré ou par voie d’appel d’offres public, cette dernière procédure devant être obligatoirement suivie pour certains types de contrats publics. La LCOP fut modifiée en 2009 par la Loi sur la lutte contre la corruption pour pourvoir à la tenue d’un registre des entreprises non admissibles en raison de la commission d’infractions criminelles. En 2012, peu de temps après le début des audiences publiques de la Commission Charbonneau, le gouvernement du Québec nouvellement élu déposait un premier projet de loi intitulé Loi sur l’intégrité en matière de contrats publics (ou Loi sur l’intégrité).
Par la Loi sur l’intégrité, un organisme indépendant du gouvernement, l’Autorité des marchés financiers (AMF), se voyait confier la responsabilité de statuer sur le droit d’une entreprise de contracter avec un donneur d’ouvrage public. La Loi sur l’intégrité introduisait une nouvelle norme à laquelle devaient se conformer les entreprises voulant contracter avec l’État : « les exigences élevées d’intégrité auxquelles le public est en droit de s’attendre d’une partie à un contrat public ou à un sous-contrat public ».
La Commission Charbonneau a démontré que les mesures devant garantir l’intégrité des processus d’attribution des contrats publics et la saine concurrence entre les contractants avaient été contournées, que la surveillance exercée par la multitude d’organismes ayant les moyens légaux d’intervenir (Secrétariat du Conseil du trésor, ministère des Transports du Québec, Commissaire au lobbyisme, etc.) avait échoué, et que la collusion et la corruption étaient omniprésentes dans l’octroi des contrats publics en matière de construction. Le rapport de la Commission établit clairement que de nombreuses voies de contournement ont été empruntées par des acteurs déviants, et que les organismes de surveillance déjà existants n’ont pas été capables d’intervenir pour les empêcher d’arriver à leurs fins. Par rapport à ce constat, la Commission Charbonneau propose d’intervenir en amont, de dépolitiser le processus d’octroi des contrats publics, et de renforcer l’intégrité des acteurs.
La « corruption légale » est la forme que prend le marché d’influence qui se développe alors entre les intérêts économiques et le pouvoir public. Cette expression désigne l’opération par laquelle les contributions politiques sont faites en contrepartie de décisions favorables aux intérêts des contributeurs : « the political gains in the form of campaign contributions or endorsements by a government official, in exchange for providing specific benefits to private individuals or groups, be it by explicit or implicit understanding » (Dincer et Johnston, 2014 ). Cet échange s’insère dans un système d’attribution des contrats publics par ailleurs bien encadré par le droit. Lors des audiences de la Commission, deux chercheurs ayant étudié la corruption (Johnston, 2005) et le financement politique (Hopkin, 2004) ont exposé le fait que dans les sociétés démocratiques dotées d’institutions fortes, les acteurs privés ont recours aux contributions politiques pour garantir leur part des contrats publics, car elles sont moins risquées que la corruption administrative (le « pot-de-vin »). La corruption est « légale », car elle ne contrevient pas directement aux règles d’attribution des contrats publics.
Dans cette relation d’échange, il arrive que les acteurs politiques perdent de vue l’intérêt public au profit de l’intérêt de personnes prêtes à contribuer au financement du parti au pouvoir pour obtenir les bénéfices d’une décision politique. Les décisions politiques susceptibles d’avoir un impact financier pour les acteurs privés engendrent un risque de. Comme le souligne la Commission Charbonneau, « plus un élu dispose de pouvoirs en lien avec l’octroi de contrats, plus il est vulnérable à la corruption politique ».
C’est un fait de l’existence de pratiques de corruption et de collusion systémiques dans l’attribution et la gestion des contrats publics dans certains secteurs. L’intégrité des contrats publics doit être renforcée, ce qui ne peut être réalisé que dans la mesure où l’attribution de ces contrats repose sur des considérations objectives dénuées de favoritisme politique. Pour y arriver, il faut confier la surveillance des règles d’attribution et de gestion des contrats publics à une autorité indépendante du gouvernement. Cette autorité aurait pour fonction d’appuyer les donneurs d’ouvrage public et d’intervenir en cas de manquements aux règles d’attribution et d’octroi des contrats publics. Cette piste de solution permettrait d’assurer la transparence des processus d’attribution des contrats publics tout en diminuant les risques de corruption.
La corruption est une atteinte aux fondements de la démocratie ; elle contrevient à la primauté du droit et prive les citoyens du droit à l’égalité démocratique. La lutte contre la corruption doit être menée collectivement et s’appuyer sur une multitude de mesures permettant d’agir en amont et en aval. Il n’est pas suffisant de punir les corrupteurs ou les corrompus, car l’adoption de mesures uniquement répressives envoie le signal que la corruption est la manifestation d’une délinquance individuelle. Il faut .interpeller les trois états de la société que sont les acteurs politiques, les élites économiques et les citoyens et les inviter à devenir tous imputables de la corruption.
Makoumba Kotoba

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