Enième revers après l’affaire Roubina Jadoo-Jaunboccus…

by | Apr 14, 2021 | Actualités, Opinion, Politique

A quoi servent les commissions d’enquête ?

• Ce vestige du colonialisme est trop onéreux pour les contribuables et son mécanisme ne donne souvent pas des résultats escomptés

• « Plusieurs contestataires ont obtenu gain des causes en sollicitant une demande de révision judiciaire », rappellent-ils

• Trop de transgression du « rule of natural justice »

Après la décision de la Cour suprême, composée du chef-juge Asraf Caunhye et du juge Nirmala Devat d’invalider certaines des conclusions de la Commission antidrogue entourant l’ancienne ministre de l’Egalité des genres, Roubina Jadoo-Jaunbocus, des nombreux observateurs politiques, voire même des hommes de loi ainsi que des politiciens s’interrogent sur l’utilité de la mise sur pied des commissions d’enquête par l’Etat comme réclamé par certains.
L’on constate que très souvent les contestataires obtiennent gain de cause en sollicitant une demande de ‘judicial review’ auprès de la Cour suprême. « Les commissions d’enquête trainent parfois en longueur. Des fois, elles accouchent d’une souris. La mise sur pied des commissions enquêtes ne donnent pas des résultats escomptés et l’Etat dépense des millions. Mais à quoi servent les commissions d’enquête ? s’interrogent-ils.
Système politique britannique
Il faut aussi souligner que selon plusieurs hommes de loi, les commissions d’enquête servent à gagner du temps, à faire oublier un problème grave et surtout quand on n’a pas d’argument valable. En se basant sur l’historique des commissions d’enquête, ils soutiennent que cette procédure, qui vient tout droit de notre système politique britannique, a été usée et abusée par les dirigeants anglais à l’époque coloniale, notamment en Inde.
Aucun résultat probant
Il y a eu plusieurs commissions d’enquêtes dans l’histoire de l’île Maurice post indépendante. Parmi l’on retrouve l’affaire Badry/Dabee, deux ministres poussés à la démission. Ou encore celle présidée par le juge Ramphul qui a abouti à une révision des salaires, bon nombre des commissions d’enquête n’ont rien donné. Ces institutions coûtent très chers aux contribuables. Par exemple, on a attendu des recommandations de la commission d’enquête sur la drogue pour mettre fin au problème de drogue synthétique mais il n’en fut rien. Trouver une solution au problème de la consommation du cannabis etc. Or l’un de ses principales recommandations de dissoudre l’ADSU ne tient pas la route. Cette unité continue de prouver son efficacité semaine après semaine.
Dans d’autres cas, on attend les conclusions, comme dans l’affaire Ameenah Gurib-Fakim et le scandale de la Platinum Card. Mais aussi l’affaire sur la vente de l’ex- Britam.
Cependant, n’oublions pas le calvaire que certaines personnes ont dû endurer pour se battre contre les commissions d’enquête et leurs abus. Cela a été le cas pour plusieurs témoins dans la Commission d’Enquête sur l’affaire Sik Yuen menant à la destitution de l’ancien Commissaire de Police Raj Dayal. Parmi feu Ramracheyya, Harry Padiachy et surtout Ramen Sawmynaden. Tous ont gagné leurs demandes de révision judiciaire en faisant enlever plusieurs paragraphes du rapport de cette commission d’enquête. Rama Valayden a gagné son cas contre la Commission Matadeen qui a aussi été décrié dans une publication de Lalit. Récemment des personnalités du monde hippique, dont Bud Gujadhur, ont traîné les auteurs du rapport Parry devant la justice et ont eu gain de cause.
Peu ont toutefois eu le courage de coucher noir sur blanc leurs calvaires, à l’exception de Ramen Sawmynaden. Ce banquier d’expérience a écrit un livre « Contre L’oubli- chronique d’un dérapage politico-judicaire » publié en France aux éditions La Doxa pour ne « pas oublier une injustice et non pas entretenir une rancœur ».
Ci-dessous les réactions de certains hommes de loi :
Me Ravi Rutnah : « C’est une sensation politique, qui est créée par des journalistes, internautes et les partis de l’opposition »

Selon Me Ravi Rutnah, la “Commison of Inquiry Act de 1944’ ne reflète nullement la réalité en 2 021. « Avant que Maurice n’accède à son indépendance en 1968, on avait une différente culture politique par rapport à celle d’aujourd’hui et les juges, qui siégeaient en cour suprême ou au sein d’une ‘Commission of Inquiries’ faisait partie des juges qui travaillaient à la culture anglaise. Notre société était différente dans tous les aspects de la vie », dira l’avocat qui a ajouté que : « Le niveau de la fraude et la corruption qu’on fait face actuellement était inconnu jadis. Quand nous faisons références à toutes les commissions d’enquête mises sur pied depuis les années 80, on pourra constater qu’elles sont toutes étaient discréditées par des juges de la Cour suprême », a-t-il soutenu.
Poursuivant, l’homme de loi a laissé entendre qu’en effet, aujourd’hui, le mot ‘Commission of Inquiry’ est devenu un vocabulaire politique qui ne sert rien. « C’est une sensation politique, qui est créée par des journalistes, internautes et les partis de l’opposition », dit-il.
D’autre part, dira l’avocat, le gouvernement qui institue une commission d’enquête va vanter qu’il est en train de combattre un fléau pour un mal social afin de pouvoir ‘market’ sa crédibilité politique. Il a ainsi fait état de la transition qu’on a eue depuis 1944, eut égard dans la culture politique et au niveau du judiciaire et sociale.
Me Ravi Rutnah a également fait ressortir que ce sont les contribuables qui paient les frais d’une commission d’enquête. « La dernière commission d’enquête sur la drogue a coûté environ Rs 18 millions. Est-ce qu’il fallait vraiment instituer une commission d’enquête pour pouvoir déterminer s’il faut protéger et sécuriser notre littoral y compris notre port et l’aéroport. ? Est-ce que c’est vraiment nécessaire pour déterminer des lacunes concernant la sécurité dans la prison où la drogue se passe comme des ‘gâteaux cocos’. Est-ce qu’il est nécessaire de dépenser une somme de Rs 18 millions pour savoir si des officiers de l’ADSU et autres officiers de la police qui sont impliqués directement ou indirectement dans des grosses transactions de la drogue ? La réponse est catégoriquement non », estime-t-il.
Par ailleurs, l’homme de loi a expliqué que la dernière commission d’enquête de la drogue a raté l’opportunité de vraiment considérer ou de pencher sur les ‘real issues’. « L’ancien juge Paul Lam Sham Leen serait plus motivé sans comprendre le travail d’un avocat de la défense, pour victimiser avec des vocabulaires désobéissantes et malveillantes. La façon que ce dernier aurait exprimé dans son rapport contre les avocats qui ont tous fait leur travail d’avocat, démontre que malgré qu’il a été juge de la Cour suprême, il n’aurait nullement l’expérience de travail d’un avocat de la défense », estime-t-il.
L’avocat a aussi souligné qu’aujourd’hui, la plupart des juges de la Cour suprême et magistrats, qui exercent dans la Cour intermédiaire et du district n’ont pas d’expérience d’un travail d’avocat de la défense. « Faute d’expérience juridique, et avec la culture qui évolue constamment à Maurice, ce sera la même chose et on subira le même sort si dans le futur on mettra sur pied d’autres commissions d’enquête », dit-il.
Aux dires de l’homme de loi, il faut abolir avec l’honnêteté, une bonne fois pour toutes, cette institution qu’on appelle une commission d’enquête comme un paravent pour cacher l’incompétence de nos institutions. Pour lui, Paul Lam Sham aurait raté l’occasion de vraiment enquêter sur les avocats qui ont vraiment défendu les gros barons de la drogue et ont été payés d’énormes honoraires. « Au lieu de mettre sur pied une commission d’enquête, il faut donner des pouvoirs à la police, l’ADSU, l’ICAC, la MRA, GRA, FSC, FIU et les autres institutions pour enquêter sur des cas afin de faire le travail correctement », a-t-il ajouté.
Me Ravi Rutnah a aussi expliqué que l’ICAC doit enquêter sur les biens de certains policiers qui étaient affectés à l’ADSU, Land Fraud Squad et aussi sur des ‘sitting judges’ qui ont pris part dans des gros arbitrages. « C’est comme ça qu’on va puisse mettre fin sur qu’on appelle la mise sur pied d’une commission d’enquête », dira-t-il.
Mettant l’accent sur le jugement de la Cour suprême concernant Me Roubina Jadoo-Jaunbocus, l’avocat a fait comprendre que le Premier ministre et l’Attorney General ont maintenant un devoir d’instituer un « High Powered Committee » pour prendre des décisions afin de pouvoir abolir la mise sur pied des ‘commissions of inquiries’ et de mettre sur pied des institutions régulatrices afin de régler une série de pagailles qui existent au sein de nos institutions sur qui on réclame des commissions d’enquête. « On attend toujours des conclusions sur l’affaire Gurib-Fakim et de Britam. Je vous donne la garantie : S’il avait un rapport adverse, ils iront contester l’affaire à la Cour suprême. Finalement, ce sera la même chose. Il faut vivre faire face à la réalité en 2 021, et non pas en 1944. Peu importe le gouvernement qui viendra au pouvoir ne doit pas succomber à la demande d’une commission d’enquête qui entraînera des gaspillages des fonds publiques », a-t-il conclu.
Me Raj Pentiah ancien « Senior magistrate » :
« Le gouvernement doit impérativement revoir les procédures, méthodes et les coûts de la mise sur pied des commissions d’enquête »
Me Raj Pentiah explique qu’il y a deux façons de voir les choses, soit la mise sur pied des commissions d’enquête et l’implémentation de ses recommandations.
A cet effet, l’homme de loi a fait comprendre qu’avant tout, c’est l’Etat qui décide sur l’importance des circonstances des choses et la nécessité ainsi que le droit du peuple pour être informé objectivement sur des sujets qui amènent le gouvernement pour instituer une commission d’enquête.
Concernant les dépenses, Me Raj Pentiah a situé l’importance des ‘terms of reference’. Ainsi, il a affirmé que les autorités concernées doivent accorder un certain délai raisonnable aux responsables des commissions d’enquête, de donner leurs conclusions, et de faire des recommandations nécessaires. « On ne peut accorder un terme indéfini aux personnes choisies pour être responsable de la commission d’enquête », dira l’avocat qui a soutenu qu’il faut avoir recours aux instances appropriées avant de nommer une commission d’enquête sur des sujets qui défrayent la chronique et quand le peuple veut avoir de l’éclairage sur des cas spécifiques qui font l’actualité.
Dans la même foulée, l’homme de loi estime qu’il est nécessaire de revoir le barème de paiement au président et ses deux assesseurs qui sont responsables d’une commission d’enquête ou bien aux « Fact Finding Committes ». « Il faut revoir et diminuer les coûts », a-t-il maintenu.
Mettant l’accent sur mise sur pied de la commission d’enquête qui était présidé par l’ancien juge Paul Lam Sham Leen, Me Raj Pentiah a déclaré que : « La compétence de celui-ci est ‘unquestionable’. Il a démontré sa crédibilité lorsqu’il cumulait ses fonctions comme juge et pendant qu’il avait présidé l’an dernier commission d’enquête sur la drogue, il a fait plusieurs recommandations qui n’ont pas été implémenté jusqu’à maintenant. Quand le peuple paie, il veut avoir la valeur du paiement ».
D’autre part, l’avocat a déploré le fait que certaines recommandations des commissions d’enquête se trouvent dans le tiroir depuis des années. Il a également fait ressortir que l’ex-chef juge, Bernard Sik Yuen, l’avait nommé pour présider un « Fact Finding Committee » sur le ‘Sub Standard of Medication being dispensed by the government in the government medical institution’. Il avait produit le rapport dans les plus brefs délais et il avait fait une vingtaine de recommandations pour améliorer la qualité des médicaments dispenses à nos malades. A titre d’exemple, il y avait un manquement aigu dans la façon du ‘procurement’ annuel des médicaments par le ministère de la Santé. Et du coût quand les médicaments arrivaient à Maurice en grande quantité dans des conteneurs, il n’y avait pas place pour le stocker. De ce fait tous les médicaments restaient dans des conteneurs à la mer rouge qui coutaient des millions au gouvernement comme frais des ‘démurrages’.
Me Raj Pentiah estime qu’il est impératif que le gouvernement revoie tout le système concernant la mise sur pied des commissions d’enquête ou « Fact Finding Committees », peu importe les scandales ou les cas de fraude et corruption ou de drogues. Pour lui, le gouvernement doit avoir le courage d’implémenter les recommandations qu’il juge nécessaires afin que le peuple soit satisfait pour le frais qu’il a payé pour ses commissions et « Fact Finding Committees » sinon l’argent ainsi payé sera un gaspillage du fond public.
Me Rama Valayden, ancien Attorney General:
« Il faut nommer un juge d’instruction à la mauricienne »
L’ancien Attorney General, Rama Valayden estime que les commissions d’enquête ne doivent comprendre des systèmes répétitifs. Pour l’avocat, il faut revoir, de fond en comble, tout le système, y compris les dépenses encourues par l’Etat pour la mise sur pied des commissions d’enquête. « Tout le système de la mise sur pied d’une commission d’enquête, qui est pourri, s’est gangrené à tous les niveaux », dira l’homme de loi qui a ajouté ceci : « On ne peut procéder par des ‘piecemeal’, sinon on ne bougera pas et on ne s’avancera pas. Il faut remplacer des vieux dinosaures par des jeunes, qui ont des esprits d’innovateurs ».
Poursuivant, l’homme de loi a rappelé qu’il avait proposé et situé l’importance de la nomination d’un juge d’instruction à la mauricienne lorsqu’il cumulait les fonctions d’Attorney General. « Celui-ci pourra ainsi superviser les enquêtes et utiliser ses éléments nécessaires et importants pour poursuivre et arrêter des personnes », dira-t-il.

Me Ajay Day, ancien Speaker: ”une définition qui prête à confusion »
Dans un entretien radiophonique, Ajay Daby avait déclaré : « La définition même d’une commission d’enquête peut prêter à confusion. Une commission est un instrument que l’exécutif peut utiliser pour mettre la main sur certaines informations afin d’éclairer le gouvernement. Au lieu de demander à un Permanent Secretary ou à un fonctionnaire d’enquêter, la commission peut permettre au gouvernement de prendre des décisions », dit-il. Me Ajay Daby précise, par ailleurs, qu’une commission d’enquête ne peut, en aucun cas, se substituer à un juge, un tribunal, une cour de justice ou la police.
Il ajoute qu’il faut faire la différence entre une déclaration faite à la police et un témoignage devant la commission. « Une déposition faite devant une commission n’est pas incriminante, selon notre Criminal Justice System. Devant la commission, c’est un témoignage normal », a-t-il précisé.

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