L’ardeur des ‘Avengers’ refroidi…

by | Feb 8, 2021 | Politique

La magistrate Vidya Mungroo-Jugurnauth a rappelé à l’ordre le groupe d’avocats qui se fait appeler ‘Avengers’. C’était à la reprise de l’enquête judicaire ce mardi 2 février devant la Cour de district de Moka, une enquête qui avait été instituée pour faire la lumière sur la mort de Soopramanien Kistnen. Un homme de loi nous explique en quoi les agissements des ‘Avengers’ peuvent constituer un ‘Contempt of Court’ (outrage à la cour).
“This can be considered as a contempt of court”, selon l’avertissement de la magistrate aux ‘Avengers’. Cette dernière faisait référence au rassemblement tenu par les Avengers à La Louise, le dimanche 31 janvier. Elle a ainsi demandé au panel d’avocats de faire preuve de plus de retenue dans leurs déclarations à la presse ou au public en dehors du tribunal.
Nous nous sommes tournés vers un homme de loi qui a tenu à garder l’anonymat. Ce dernier a éclairé nos lanternes sur ce qui peut constituer un ‘Contempt of Court’ (outrage à la cour).
Pour rappel, les Avengers s’étaient livrés à plusieurs allégations à La Louise, ce dimanche 31 mars. Plusieurs orateurs étaient intervenus, dont Sanjeev Teeluckdharry, Shakeel Mohamed, Roshi Bhadain et Rama Valayden.

Les ‘Avengers’ étaient aussi revenus sur les nombreuses preuves potentielles qui, selon eux, ont été ‘overlooked’ par la police sur la scène de crime à Moka, où le corps de Soopramnanien Kistnen a été retrouvé. Ils devaient même brandir des photos devant la foule, y compris celui du cadavre de Kistnen, dans le but évident de choquer la foule.

Ce qui a priori constitue un ‘Contempt of Court’, nous explique l’homme de loi. Ce type de ‘Contempt of Court’ est connu comme ‘Predjudicing a fair trial’. Car cela porte préjudice à tout procès au criminel qui pourrait lieu, notamment si à la conclusion de l’enquête judiciaire, le DPP décide de loger une quelconque accusation contre une personne.

Si jamais cette personne est jugée en Cour d’assises, où ce sera un jury de citoyens ordinaires qui décidera de sa culpabilité, elle pourra alors soulever une motion pour dire qu’elle ne pourra pas avoir de procès équitable car les jurés ont déjà subi une influence et ont déjà été compromis, du fait de articles de presse ou à travers des meetings en public.

Si la cour décide que tel est bien le cas, il se pourrait alors que l’acte d’accusation ne soit rayé, avant même que le procès ne commence. C’est pour cette raison que la loi réprime toute conduite pouvant porter préjudice à l’équité d’un procès qui pourrait avoir lieu dans le futur.

Il faut savoir que ces règlements s’appliquent avant tout aux médias. Et normalement, c’est la presse qui est citée pour outrage à la cour (comme dans l’affaire Bacha, qui avait défrayé la chronique en 1994). « C’est plutôt étonnant que des avocats chevronnés font eux-mêmes autant de mal à leur dossier », fait remarquer l’homme de loi.

Idem pour la mort de Manan Fakoo, celle de Pravind Kanakiah, ou pour d’autres affaires qui ont été abordées par les ‘Avengers’. Car dans ces affaires, des procès aux assises pourraient avoir lieu.

Notre interlocuteur devait ensuite aborder la ‘private prosecution’ intentée contre le ministre Sawmynaden. Ici aussi, malgré qu’il n’y aurait vraisemblablement pas de procès aux assises avec un jury populaire, il peut néanmoins y avoir de ‘Contempt of court’, car le principe de ‘sub judice’ s’applique toujours.

« Cette affaire est ce que l’on appelle ‘sub judice’. La presse peut rapporter ce qui a été dit dans la salle d’audience et elle peut solliciter les commentaires des hommes de lois. On peut même commenter cette affaire de long en large. Mais il y a des limites. Ni la presse ni les avocats engagés dans cette affaire ne peuvent lui porter préjudice en entravant son bon déroulement en cour, de quelque façon que ce soit. Même l’Assemblée nationale ne peut débattre de ce qui est ‘sub judice’», nous explique l’homme de loi. « Il se pourrait aussi que les ‘Avengers’ soient réprimandés par la magistrate qui préside le procès intenté au ministre Sawmynaden », nous fait comprendre notre interlocuteur.

Il faudrait aussi savoir que si une personne est reconnue coupable d’avoir commis un ‘Contempt of Court’, les sanctions peuvent être lourdes, y compris la prison, même pour des avocats.

« Un homme de loi doit se battre uniquement dans l’arène d’un tribunal, où tout procès est régi par un cadre légal, et non à travers la presse ou à travers des meetings. Qu’on laisse cela aux politiciens », nous explique-t-il. Ce panel d’avocats avait même annoncé une « révolution », preuve qu’il en est qu’il confonde justice et politique, selon lui.

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