• Pourquoi les nouveaux partis politiques n’arrivent à s’imposer face aux partis traditionnels
Depuis plusieurs années, soit depuis que notre pays a accédé à l’indépendance, on a toujours assisté à la tentative de plusieurs jeunes aspirants politiciens (aussi bien que ceux qui sont rejetés par les partis politiques), de créer une nouvelle force politique. Leur leitmotiv : ils représentent une véritable troisième force politique dans le pays, ou du moins, une alternative crédible sur l’échiquier politique. Il faut dire que beaucoup de jeunes politiciens, voir mêmes de vieux routiers en politique, ont lancé plusieurs nouveaux partis politiques. Mais ils n’ont pas eu les résultats escomptés. Valeur du jour, la majorité des nouveaux partis politiques n’ont pas jusqu’ici réussi à s’imposer ou concurrencer avec les partis traditionnels, à savoir, le PTr, le MMM, le MSM ou le PMSD, qui, bon an mal an, continuent à dominer la scène politique. Nous abordons ce sujet avec plusieurs intervenants, dont des anciens politiciens.
Sanjay BIJLOLL
Les Mauriciens se montrent plutôt désabusés quant à l’émergence d’une troisième force qui pourrait faire l’unanimité dans le pays. Selon beaucoup, ce seront toujours les poids lourds, soit les partis traditionnels, qui en fin de compte, domineront les ‘petits’ partis politiques, sans parler des candidats indépendants, surtout en période électorale.
Encore récemment, que ce soit au niveau des élections municipales ou générales, aucun nouveau parti politique n’a jamais vraiment réussi à s’émerger et à s’imposer dans le pays, hormis le ‘Muvman Liberater’ d’Ivan Collendavelloo, qui a réussi à faire élire quelques éléments pendant les deux dernières élections générales, qui ont eu lieu en 2014 et 2019.
Les candidats et formations politiques qui ont réussi une brève percée
• Cehl Meea (FSM)
Dans le passé, seul le leader du Front Solidarité Mauricien (MSM), Cehl Meea, a réussi là où plusieurs ont failli, soit au niveau des élections municipales et générales. En 1991, ce dernier avait pris part aux législatives. Cinq ans après, il avait été élu comme conseiller municipal de Port-Louis. En 2000, il est réélu comme conseiller municipal… alors qu’il était en prison. Finalement en 2010, Cehl Meea a été élu député de la circonscription n°3 (Port-Louis Maritime/Port-Louis Est).
• Eric Guimbeau (MMSD)
On peut aussi se référer au cas d’Eric Guimbeau, qui était le leader du Mouvement Mauricien Social-Démocrate (MMSD). Élu aux élections législatives de l’an 2000, puis réélu en 2005, sous la bannière du MMM, ce député avait abandonné son parti. Finalement, il avait tenté de revenir sur la scène politique. Or, son parti n’a pas pu s’imposer et il avait mordu la poussière lors des deux dernières élections générales, en 2014 et 2019.
• Roshi Bhadain (Reform Party)
Il y a aussi le cas de l’ancien ministre du MSM, Roshi Bhadain, l’actuel leader de la Reform Party. Celui-ci a également fait pâle figure lors des élections générales. L’électorat n’a nullement fait confiance en lui et son équipe. Ce que l’on peut dire, tout comme certains candidats, y compris des indépendants, Roshi Bhadain et ses candidats ont obtenu un très faible score, que ce soit pendant l’élection partielle et les élections générales de 2019.
• Rezistans ek Alternativ
Il faut aussi souligner que Rezistans ek Alternativ n’a pas pu s’imposer sur la scène politique. Malgré ses nombreuses tentatives, ce parti n’a pas pu attirer la grande foule, convaincre et s’imposer sur l’échiquier politique. Il n’a pas pu faire élire aucun candidat, mais continue à prendre part dans les élections.
Dr Vasant Bunwaree, fondateur du Mouvement Travailliste Militant (MTM)
« Faute de moyens, les petits partis politiques ne réussissent pas »
Le Dr Vasant Bunwaree, qui a occupé plusieurs portefeuilles ministériels sous le régime travailliste, et qui est aussi leader du Mouvement Travailliste Militant (MTM), explique que l’émergence d’une troisième force fera face à de problèmes bien profonds, et cela à plusieurs niveaux.
L’ancien ministre travailliste n’a pas manqué de rappeler qu’avant l’Indépendance, les frères Bissoondoyal avaient plus ou moins essayé de lancer une troisième force, qui n’a pas vraiment marché, et qui n’a pu s’imposer sur la scène politique face au PTr et au PMSD, entre autres. « Moi-même, j’avais lancé un parti avec de bons éléments, mais je n’ai pas réussi comme je le voulais », dit-il.
Selon lui, « Les dirigeants des nouveaux partis politiques ont l’habitude de faire des propositions ou de faire état de nouveaux projets. Or, tout cela nécessite beaucoup de temps et de discussions avec le peuple. Il faut se rendre dans les 20 circonscriptions, voire même à Rodrigues, et cela avec l’aide d’une équipe formidable. Il faut préparer un vrai projet de société pour pouvoir réussir à convaincre la population. Il faut discuter des points importants des projets avec les Mauriciens, qui pourront transformer le pays et améliorer leur qualité de vie. Il faut aussi connaître leurs points de vue sur plusieurs sujets. Or, faute de moyens, les petits partis politiques qui aspirent de devenir une troisième force ne réussissent pas ».
Pourquoi a-t-il quitté les rangs des travaillistes pour créer son propre parti ? Selon lui, en 2014, l’ancien Premier ministre, Navin Ramgoolam, l’avait malheureusement éliminé en se laissant guider par certaines personnes.
D’autre part, le Dr Vasant Bunwaree a aussi indiqué qu’un changement du ‘mindset’ de la société s’avère nécessaire. « Les bailleurs des partis politiques et ceux qui aident les politiciens d’une façon ou d’une autre, doivent cesser d’agir comme des ‘roders boutes’ vis-à-vis des politiciens, qui deviennent leurs otages après leurs victoires », estime-t-il.
Sam Lauthan, membre de la Human Rights Division
« Un bon coup de Karcher est nécessaire avant de penser à une 3e ou 4e force politique »
Sam Lauthan, ancien député du MMM, est membre de la Human Rights Division (une instance de la National Human Rights Commission). Il avait occupé le poste du ministre de la Sécurité sociale. Il œuvre aussi dans le domaine du travail social depuis de nombreuses années.
Il fait comprendre qu’on doit prôner une nouvelle façon de faire de la politique. « Nous devons avoir de nouveaux types de politiciens, peu importe l’émergence d’une troisième ou d’une quatrième force », assène-il.
Il a ainsi affirmé que les Mauriciens, y compris les responsables des organisations non gouvernementales (ONG), les chefs religieux, les aspirants politiciens, entre autres, doivent avoir un nouveau ‘minsdet’ afin de pouvoir considérer les choses à tous les niveaux. Il laisse entendre que « Nous devons avoir une nouvelle vision qui peut cadrer avec le 21e siècle. Nous avons beaucoup de défis à relever ».
Sam Lauthan a, par ailleurs, soutenu que nous devons « nettoyer » notre esprit et a ajouté que les politiciens ne doivent pas utiliser un double langage, soit quand ils se trouvent au Parlement et quand ils sont en dehors du Parlement. « Nous ne pouvons pas nous contredire nous-mêmes. Nous devons être constants dans nos paroles et nos actions. Nous devons aussi penser quel héritage nous léguerons à nos enfants avant que nous quittions ce monde, sur le plan moral, spirituel et religieux, et non pas seulement en termes financiers et de biens », a-t-il souligné.
Il a maintenu que : « Il faudrait un bon coup de Karcher pour éliminer tous les parasites et autres ‘roders boutes’ qui font partie des associations socioculturelles et religieuses, avant même de penser à l’émergence d’une 3e ou d’une 4e force ! »
Me Yatin Varma, ancien Attorney General travailliste
« Je ne crois pas en l’émergence d’une troisième force politique »
L’ancien Attorney General sous le régime travailliste, Me Yatin Varma, fait comprendre qu’il ne croit pas dans l’émergence d’une troisième force politique. « L’histoire de notre pays nous a démontrés que depuis que notre pays a accédé à l’Indépendance, une nouvelle formation politique n’a pas pu se transformer en une vraie force politique. Aussi, aucun soulèvement populaire ne s’est concrétisé en une vraie alternative à l’égard des partis traditionnels du pays », a-t-il souligné.
D’autre part, l’homme de loi a soutenu que l’électorat a toujours soutenu un parti politique traditionnel. Il a par ailleurs déclaré qu’une troisième force doit avoir un vrai programme, prôner une vraie idéologie, posséder des éléments compétents et incarner l’unité nationale dans le pays. « Une troisième force politique doit prouver qu’il est une alternative crédible. Pa zis causé, troisième force bizin fer so preuve », estime-t-il.
Sylvio Tang, ancien ministre de la Jeunesse et des Sports
« Les dirigeants d’un nouveau parti politique n’arrivent pas à démontrer qu’ils constituent une vraie alternative »
L’ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, Sylvio Tang, sous le régime de Navin Ramgoolam, est d’avis que les dirigeants d’une éventuelle troisième force politique doivent démontrer qu’ils ont une équipe solide et compétente, avec des éléments valables et un programme électoral qui pourra répondre aux aspirations et attentes de la population. Or, jusqu’ici aucun parti politique, à part les partis traditionnels, n’ont pu vraiment convaincre l’électorat de leur engagement politique. D’où leur échec sur plusieurs plans.
Notre interlocuteur a aussi laissé entendre que ceux qui veulent se jeter dans l’arène politique, doivent également être capables de faire des propositions valables et de prouver qu’ils n’ont rien à envier aux politiciens des partis traditionnels, afin de pouvoir relever les défis auxquels le pays fait face. « Or, malheureusement, les dirigeants d’un nouveau parti politique n’arrivent pas à démontrer qu’ils constituent une vraie alternative », estime-t-il.
D’autre part, Sylvio Tang a déclaré que le peuple est devenu exigeant. Pour justifier ses dires, il a soutenu que presque tous les aspirants politiciens n’ont pu s’imposer comme un vrai leader, à l’exception de l’actuel Premier ministre, Pravind Jugnauth, entre autres.
L’ancien ministre a également fait ressortir que contrairement aux autres partis politiques, Pravind Jugnauth, qui a son propre style, a su galvaniser son équipe et présenter un bon programme électoral, ce qui a non seulement déjoué ses adversaires, mais a aussi convaincu les Mauriciens, qui ont cru en lui. D’où sa réussite comme leader du MSM.
Sylvio Tang a aussi indiqué que la population préfère faire confiance aux politiciens qui ont un long parcours politique, à l’instar de Sir Anerood Jugnauth ou à son fils, mais pas aux débutants, qui n’ont aucune expérience sur l’échiquier politique.
Pour lui, toutes les conditions ne sont pas réunies pour l’émergence d’une troisième force. Il a également affirmé que les jeunes ne soutiennent pas la démarche et les actions des nouveaux partis politiques. « C’est aussi une des raisons pourquoi ces derniers n’arrivent pas à s’imposer sur l’échiquier politique », pense-t-il.
Boopen Doobah, observateur politique
« Je préfère l’émergence d’une génération milléniale »
Boopen Doobah, observateur politique, soutient que depuis plusieurs années, les Mauriciens ont toujours cru au système ‘First Past The Post’.
Selon lui, c’est une interprétation idéologique qui a permis à la création ou au lancement du MSM, du MMM et d’autres partis politiques dans le pays.
Il déplore le fait que depuis plus de 40 ans, nous trouvons les mêmes personnes à la tête du pays et la même idéologie centriste, peu importe le gouvernement ou l’opposition. Il pense que l’émergence d’une troisième force ressemblera à la mouvance qu’il y a eu dans les années 1975 et 1982. « Il est bon de noter que des fois, ce genre de mouvance se transforme en revendication, qui peut devenir frontale », dit-il.
Cependant, notre interlocuteur fait ressortir que depuis 2015, il y a un certain rajeunissement des parlementaires. « Il y un raffermissement identitaire des jeunes qui s’intéressent sur une revalorisation d’un certain concept de dialogue, de négociation et de compréhension », explique-t-il.
Pour lui, les vieux politiciens devront agir comme des ‘mentors’, qui doivent préparer la relève et laisser la place aux jeunes, qui sont âgés d’une trentaine ou quarantaine d’années. « Je crois dans le passage de relais et dans une évolution idéologique », estime-t-il.
Il a ainsi laissé entendre qu’il préfère l’émergence d’une génération milléniale plutôt que l’émergence d’une troisième force.
Ivor Tan Yan, membre du parti ‘100 % Citoyens’
« Parlons plutôt de l’émergence d’une deuxième force »
Ivor Tan Yan, membre du parti ‘100 % Citoyens’ et conseiller juridique de la ‘Federation of Progressive Union’ (FPU), estime que : « Compte tenu de la prestation de l’Opposition, qui est loin de faire l’unanimité au sein de la population, et l’impact des récentes manifestations, nous ne devons plus parler de l’émergence d’une troisième force, mais d’une deuxième force ».
Il souhaite que tous les « vieux » politiciens cèdent leurs places aux jeunes et déplore le fait qu’il n’y pas de véritables opposants dans le pays face au pouvoir en place. Dans ce contexte, il a énergiquement dénoncé l’attitude du leader du Parti travailliste et ancien Premier ministre, Navin Ramgoolam, qui, à Kewal Nagar, à l’occasion de 120e anniversaire de la naissance de Sir Seewoosagur Ramgoolam (SSR), avait déclaré qu’un Premier ministre ne doit rester au pouvoir que pendant deux mandats. « Au fait, combien de mandats a-t-il occupé comme Premier ministre ? », s’interroge-t-il
Qualifiant la manifestation du 29 août dernier comme historique, il a laissé entendre que les membres de l’Opposition doivent impérativement soutenir la ‘rue’, comme le fait le parti ‘100 % Citoyens’ afin qu’il y ait un véritable changement dans le pays. Il a ainsi critiqué l’absence des principaux dirigeants des partis traditionnels, en particulier celle de Navin Ramgoolam, à Mahébourg.
Glorine Maloupe, activiste sociale
« Le moment propice de créer la troisième force politique »
L’activiste sociale Glorine Maloupe, qui œuvre dans le domaine du travail social depuis de nombreuses années, explique que ceux qui parlent de l’émergence d’une troisième force dans le pays, ne doivent pas oublier qu’un nouveau parti politique doit non seulement avoir plusieurs éléments valables, dont des véritables professionnels dans plusieurs domaines, mais doit aussi présenter un bon programme qui pourra convaincre les Mauriciens.
Se basant sur les récents événements, elle a fait ressortir que beaucoup de Mauriciens ont démontré leur mécontentement vis-à-vis des politiciens, y compris vers les membres de l’Opposition. Elle a ainsi situé l’importance de l’émergence d’une troisième force dans le pays. « C’est le moment propice de créer un nouveau parti politique qui représentera une troisième force, mais qui devra inspirer confiance et qui pourra faire face aux partis traditionnels du pays », estime-t-elle.
Notre interlocutrice a aussi laissé entendre que les forces vives doivent organiser plusieurs forums politiques pour encourager les jeunes à se jeter dans l’arène politique. Elle a cependant déploré le fait que très souvent, on note que des jeunes qui ont des convictions politiques, n’arrivent à s’imposer. « Des fois, ces derniers ont peur d’intégrer un parti politique ou de se jeter dans l’arène politique, et ce par peur de représailles, ou parce qu’ils seront ‘blacklisted’ s’ils ne se font pas élire dans une quelconque élection », souligne-t-elle.
L’activiste sociale a salué le gouvernement, qui compte de nouveaux jeunes qui sont valables. « Selon moi, tous les partis politiques du pays doivent miser sur des jeunes, qui pourront relever les défis auxquels fait face le pays et qui seront capables d’affronter les partis traditionnels du pays. C’est à ce moment qu’on pourra remplacer les vieux politiciens », dira l’activiste sociale, qui a ajouté ceci : « Il ne faudrait pas que les nouveaux partis politiques viennent juste pour ‘blaguer’ et se taper l’estomac, en disant que leurs nouveaux partis feront ceci et cela. Aussi, il ne faudrait pas qu’ils fassent de fausses promesses, qu’ils ne pourront honorer ».
Glorine Maloupe a d’autre part déclaré que ceux qui feront partie d’une troisième force devront absolument prôner une politique de proximité sur le terrain, être humble, humain, et prendre en considération les problèmes, les doléances, les griefs et les propositions des habitants des régions urbaines et rurales. « Aussi, les dirigeants ou responsables d’un nouveau parti politique doivent œuvrer dans la transparence et prôner une politique de méritocratie et d’égalité des chances. C’est à ce moment-là qu’un nouveau parti, comprenant des jeunes qui sont valables et des vrais professionnels, pourront convaincre les Mauriciens qu’ils sont crédibles et sincères et qu’on peut leur faire confiance à l’égard des élections municipales et générales », pense-t-elle.
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